Difficile de se faire une idée du nombre d’habitants avant la mise en place des recensements. Sous l'Ancien Régime les dénombrements étaient exprimés en «feux», ce mot étant pris dans le sens foyer ou famille. Pour estimer le nombre d'habitants d'après celui donné en feux on appliquait un coefficient multiplicateur assez imprécis. Ces dénombrements donnaient le nombre de feux devant contribuer des subsides (par exemple, pour la conduite d'une guerre) et, plus tard, le nombre de "gabellans" (sujets de 8 ans et plus) soumis à la gabelle, un impôt sur le sel, comme on peut le voir dans un des paragraphes suivants.
Les premiers chiffres
En 1180, on apprend par un texte tiré du cartulaire de l’Abbaye de Signy, que 24 « domus » (maisons, demeures, foyers, feux) étaient déjà installées sur le territoire de Lalobbe.
Selon un état statistique[1] de la sergenterie du Porcien dressé aux alentours de l’an 1300, on recense à Lalobbe, 180 feux et 12 à « Rogierville deseur Lalobbe » (Rogiville au dessus de Lalobbe).
Deux ouvrages[2] du 18ème siècle font état du nombre de feux dans le royaume de France. Celui de 1709 comptabilise 179 feux à Lalobbe et celui de 1735 en dénombre 164 tout en précisant qu’il s’agit de Lalobbe paroisse et ses hameaux de Rogiville, la Bezace, du Laictron, de Landa, de la Crottiere.
Plusieurs ouvrages[3] traitent du dénombrement de la population soumis à la gabelle (impôt sur le sel). Le grenier à sel de Château-Porcien[4] fait état du nombre d’habitants et de feux assujettis ou non à cet impôt et donne une idée de la population de 1724 à 1726. (A savoir que ces chiffres ne comptabilisent pas les enfants de moins de 8 ans et englobent les domestiques vivant dans le foyer). En 1724, on compte 549 personnes pour 186 feux, 553 habitants pour 188 feux en 1725 et en 1726 le nombre d'habitants s'élève à 559 habitants pour 191 feux.
En 1825, un état statistique[5] indique 917 habitants.
Les Recensements officiels de population
Selon le premier recensement de 1836, Lalobbe compte 1005 habitants, (505 hommes et 500 femmes).
L'activité professionnelle du village
Les forges du Hurtault emploient des habitants de Lalobbe : 15 mouleurs en sable, 4 forgerons et 1 fondeur. La majorité de la population travaille dans l’agriculture et les métiers du bois : laboureurs (34), journaliers, scieurs de long (17), bûcherons (46). Une vingtaine de personnes travaille dans le textile (tisserand et fileur ou fileuse), très certainement à domicile puisque la filature n’existe pas.
En 1851, le nombre d’habitants progresse encore et atteint 1076. Parmi la population du village, on compte 20 belges, 4 suisses et 9 prussiens.
Le recensement fait état de 14 rues, 301 ménages et 294 maisons. Trois nouveaux lieux-dits sont habités : la Filature, la Barrière, la Wacheline. C’est le début de la Filature exploitée par Mr Tranchart.
Le recensement est très détaillé et comporte des indications qui aujourd'hui ne pourraient plus être diffusées :
Ainsi, sont ainsi indiqués la religion des habitants et le nombre de personnes infirmes :
1075 catholiques et un seul protestant. Deux aveugles et deux borgnes, deux aliénés à domicile, trois individus affligés d’une déviation de la colonne vertébrale, un individu affligé de la perte d’une jambe et trois boiteux.
La population travaille majoritairement dans l’agriculture ou le bois :
44 propriétaires cultivateurs (hommes et femmes) 67 fermiers(ères) dont 48 sont propriétaires, 70 journaliers(ères), 12 domestiques attachés à l’exploitation (valets de ferme, berger etc...) et 75 bûcherons ou charbonniers.
Mais aussi dans la métallurgie et l'industrie textile
76 ouvriers et 84 ouvrières travaillent à la filature et 31 ouvriers aux forges du Hurtault
L'artisanat et le commerce sont bien représentés,
47 hommes travaillent dans le bâtiment (marchand de bois, maçons, charpentiers, menuisiers, plafonneurs, couvreurs en chaume, briquetiers, ....), une vingtaine sont selliers, charrons, forgerons, voituriers, cochers etc.... et 43 personnes occupent des métiers dans l'alimentation ou le commerce (aubergistes, cafetiers, bouchers ou épiciers, coquetier, tonnelier, horloger....).
Parmi les petits métiers, on trouve un destructeur de rats et un relieur d'assiettes ???
Pour plus de détail, consultez le site des Archives Départementales des Ardennes :
En 1856, la population augmente toujours, 1102 personnes vivent à Lalobbe et ses écarts, le nombre d’habitants du village est à son apogée. Au village, on dénombre 496 personnes, le reste de la population est répartie dans les différents hameaux.
Sur les 305 maisons répertoriées, 192 n’ont qu’un rez de chaussée, les autres possédant un étage, 11 maisons sont inoccupées en totalité et une est en construction, 115 sont couvertes de chaume et les 190 restantes sont couvertes en ardoises ou tuiles.
En 1861, c’est le début d'un lent déclin démographique. La population s’élève à 1092 personnes (à part égale féminin-masculin), 471 pour le village et 621 pour les hameaux ou lieux-dits, 307 ménages vivent dans 303 maisons.
En 1866, 1019 habitants sont recensés.
Parmi les petits métiers, on relève deux marchands de balais, un vannier, quatre sabotiers, trois cordonniers, 2 pêcheurs de profession, 4 équarrisseurs, 1 fondeur de suif.
La plupart des habitants du Fourneau travaillent à la Filature comme l’indique leur profession : Journalier en filateur, dévideuse, contre-maître en filateur, rattacheur, bourrelier en filature, cordeuse, soigneuse (Ouvrière qui dirige les bobinoirs), fileur (ouvrier(ière) travaillant sur un métier à filer dans une filature).
En 1872, le village continue à perdre des habitants qui sont au nombre de 954. Le village compte 29 maisons inoccupées et une est en construction
Le recensement fait état du degré d’instruction de la population. 62% de la population sait lire et écrire. Le détail par catégorie fait apparaître que que seul 34% des femmes savent lire et écrire.
Surprenant, les animaux sont recensés :
Petit à petit, deux hameaux ont disparu le Laid Trou et le Culot dont les lieux-dits actuels en gardent la trace. Dans le détail du recensement 1926, deux personnes vivaient encore au Laid Trou. En 1931, le Laid Trou n’est plus recensé, les habitants l'ont déserté.
En 1891, il restait 9 habitants au Culot. Le recensement de 1896 regroupe le Culot et la Crotière et en 1901, le Culot disparait de la liste des écarts habités.
Pour conclure, on ne peut que constater qu'en un siècle et demi, le village a perdu près de 940 habitants !
[2] Voir « Dénombrement du royaume par généralités, élections, paroisses et feux. Tome premier Saugrain, Claude-Marin (1679-1750) »
Voir « Nouveau dénombrement du royaume, par généralités, élections, paroisses et feux. Saugrain, Claude-Marin»
[3] "États de dénombrement des ressorts des gabelles" (1725-1726) - tome IX « États de dénombrement des cottisés au sel d'impôt domiciliés dans l'étendue des 13 directions de Langres, Châlons.... » - tome IV "Directions d'..... Soissons, Châlons et Langres 1725" - tome VI "Directions d'Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres 1726"
[4] Le grenier à sel de Château-Porcien dépendait de Chalons sur Marne qui était en pays de Grande Gabelle. C’est à dire que non seulement le sel y était fortement taxé, mais en outre la consommation d’une certaine quantité minimum de sel y était obligatoire, devenant ainsi un impôt pour lequel un rôle annuel était établi dans chaque paroisse au même titre que pour la taille, en tenant compte de la dimension de la famille et de ses ressources supposées.
[5] Voir » Association française pour l'avancement des sciences Compte rendu de la session.
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