Fin 1846 ou début 1847, Nicolas Alexandre Prosper Tranchart rachète la filature de Lalobbe suite à la faillite de Victor Adnet.
Prosper Tranchart avait déjà repris la filature de la Neuville qu’exploitait son beau père Pierre Joseph Memie Froment, négociant en laine et filateur. Le site qu'il avait développé était important, en 1830, la filature de la Neuville les Wasigny employait 800 ouvriers. En 1844, il avait emporté la médaille d’or à l’exposition des produits de l’industrie textile et en 1849, il fut fait chevalier de la Légion d’honneur.
Dès 1845, Prosper Tranchart avait associé à la gestion de ses établissements, son fils Jean Baptiste François Gabriel, qui à la mort de son père en 1850, reprend la direction des deux filatures .
Document extrait du site Léon Harmel
François Gabriel Tranchart convertit la filature de Lalobbe en une filature de laine cardée[1] qui va connaitre un accroissement de ses recettes et une amélioration de la qualité de ses produits finis.
Vers 1850-51, des nouveaux bâtiments sont érigés, très certainement, la maison patronale et les logements ouvriers construits à proximité de la filature. En 1872, 26 personnes y vivent. La famille Tranchart et leur domesticité composé d’un cocher, un domestique deux servantes et un chauffeur en filature(chargé d’alimenter en combustible la chaudière de la filature) occupent la maison de maître. Les logements ouvriers accueillent essentiellement des contre maîtres, au nombre de cinq et leur famille. Aujourd'hui, il ne reste plus qu'une partie des bâtiments partiellement détruits dans un incendie le 10 mars 1985.
Jusqu’en 1858, les métiers de la filature sont actionnés par la seule roue hydraulique verticale. A partir de cette date, Mr Tranchart est autorisé à lui adjoindre une machine à vapeur Voir ci contre les notes de JR Didion.
On édifie un nouveau bâtiment destiné à recevoir la machine à vapeur. L’installation de ce type de matériel était réglementée, un arrêté préfectoral indispensable fixait les conditions techniques de l’autorisation.
En général , le bâtiment qui accueillait la machine, possédait une charpente et une toiture indépendante des autres installations
Probablement, la cheminée de la machine à vapeur
et le bâtiment construit pour l'accueillir
En 1865, un nouveau pavillon abritant les bureaux est édifié et le bâtiment abritant la machine à vapeur est démoli puis reconstruit.
Vers 1870, la roue hydraulique est remplacée par deux turbines Jonval-Koechlin, avec une puissance motrice de 30 à 50 ch.
La photo de gauche est celle de la roue hydraulique verticale de la filature Engles Boyer transformée en musée à Langogne (48). Celle de Lalobbe devait très certainement lui ressembler.
Conduite forcée des turbines.
Salle des turbines Jonval-Koechlin qui se trouvaient au revers du mur en béton armé.
Vannage des turbines.
Ces photos sont celles des installations existant encore sur le site de l'ancienne filature de Lalobbe.
(Cf Filature Adnet, puis Tranchart-Froment, puis Robinet et Lambert, puis Robinet-Barthelémy et Cie, puis Lambert Frères, puis usine de quincaillerie Brice-Lejay, Champagne-Ardenne, Ardennes, Lalobbe Marasi Julien ; Decrock Bruno Date d'enquête: 2007 ; Dernière mise à jour en 2016 (c) Région Grand-Est - Inventaire général)
François Gabriel Tranchart poursuivant la politique paternaliste de son père qui avait créé une cité ouvrière à la Neuville, fait bâtir en 1861 la cité ouvrière du Fourneau composée de 10 logements, agrandie en 1867 de deux logements supplémentaires. Chacun des dix logements est constitué d’une pièce en rez de chaussé, d’une autre au premier étage, d’un grenier et d’une cave. Les deux logements construits en 1867 sont plus grands et comportent trois pièces. (voir acte de vente de la filature en 1912). Chaque locataire dispose d’un jardin de 10 ares.
Dans les recensements de la commune, la cité ouvrière du Fourneau est répertoriée :
en 1861, un seul un bâtiment où vivent sept ménages soit 39 personnes
en 1866, 49 personnes (10 ménages)
en 1872, 64 personnes (12 ménages) en 1872 (ce sera le maximum)
En 1865, François Gabriel Tranchart participe à la création de la Sécurité Générale, une caisse de secours en cas d’accident du travail des ouvriers. (Bulletin des lois de l’Empire Français 1865 p 832 et suivante)
En 1870, Mr Tranchart répond à un questionnaire dans le cadre d’une enquête parlementaire sur l’industrie textile. Ses réponses concernent à la fois la filature de Lalobbe (laine cardée) et celle de la Neuville les Wasigny (laine peignée)..
Je n’ai retenu que les éléments relatifs à la filature de Lalobbe donnant un aperçu de l’activité de l’établissement :
La filature utilise en majorité des laines d’origine française, surtout lors des périodes de tonte, mais également des laines étrangères viennent de Londres ou d’Amérique, celles provenant d’Australie transitent par Londres et fabrique des fils écrus en laine teinte et couleurs mélangées. La production journalière est de 1500 mètres de laine cardée.
Les machines de fabrication française sont en bon état, elles ont entre 10 et 26 ans d’âge (défeutreurs, bobinoirs, mule-jennys, cardes).
Machine à carder la laine carte postale de la filature à Mazamet et mule jennys (filature Engles Boyer transformée en musée à Langogne (48)
La filature fonctionne avec deux turbines hydrauliques de 80 chevaux, louées de 500 à 600 francs par an et par cheval, ainsi qu'avec une machine à vapeur de 80 chevaux alimentée par du charbon provenant de Charleroi et de Mons.
En réponse aux statistiques relatives aux salariés, Mr Tranchart précise qu’il emploie « 21 ouvriers par 1000 broches en cardé », soit environ 185 personnes à Lalobbe où la filature compte 8 840 broches, un tiers d’hommes, un tiers de femmes et un tiers d’enfants, les salaires ont augmenté depuis 1860 de 10 à 15%. Les fileurs sont payés à la tâche, les préparateurs à la journée.
Il subit la concurrence principalement de la Belgique où les coûts de main d’oeuvre, le charbon et les transports sont moins élevés qu’en France. Il préconise un abaissement des tarifs de transport par chemin de fer et une réduction des délais de livraison pour les longues distances.
François Gabriel Tranchart, alors qu’il était maire de la Lalobbe depuis septembre 1865, décède le 26 novembre 1874 à l’âge de 53 ans, laissant pour seul héritier son fils Théodore Eugène François Alexis alors âgé de 6 ans. Le couple avait eu quatre autres enfants dont trois étaient décédés en bas âge et un à l’âge de 20 ans.
Dès le mois de juillet 1875, les deux filatures sont mises en vente au prix de 350 000 francs pour la Neuville et 140 000 francs pour Lalobbe. Mais la guerre de 1870 avait mis un terme à l’essor économique et inaugurait une série de crises qui marquèrent l’industrie textile. Dès le mois d’août 1875, les mises à prix sont revues à la baisse, 200 000 francs et 80 000 francs.
Ce sont les sieurs Robinet et Lambert qui firent l’acquisition de la filature de Lalobbe pour 86 000 francs selon les notes de JR Didion)
A noter qu’un peu plus de 45 hectares de terres et bois que possédait la famille Tranchart fut acquis par les propriétaires de la ferme de Gauditout, François Eugène Casseleux et Isidore Antoine, lors de l’adjudication du 28 juillet 1875 aux Criées du tribunal civil de Rethel.
[1] Laine cardée : Pour le cardage, on utilise les fibres courtes qui proviennent de la tonte des pattes et du ventre du mouton. Carder la laine, c’est- la brosser avec un peigne exprès qu’on appelle la carde. Il existe des cardes mécaniques, petites qui s’actionnent avec une manivelle, mais aussi des cardes industrielles pour l’industrie de la laine.
La laine peignée est une laine qui est passée à travers des peignes de plus en plus fins afin d'éliminer les fibres les plus courtes. Pour produire la laine peignée, on utilise la toison la plus fine du mouton, à savoir celle du dos et des côtés, là où les fibres sont les plus longues.
La principale différence entre le fil cardé et le fil peigné réside dans la qualité et l’uniformité des fibres. Le fil peigné est souvent considéré comme étant de meilleure qualité et est utilisé pour produire des tissus plus fins et plus luxueux, tandis que le fil cardé peut être utilisé pour des tissus plus solides et moins raffinés. La laine peignée est moins chaude que la laine simplement cardée, mais elle est plus solide ce qui permettra au vêtement par exemple de mieux résister au temps et à l’usure.
ความคิดเห็น