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Un délit, la cueillette du muguet de Châtillon au 14ème siècle

Dernière mise à jour : 2 nov.

Bois de Châtillon (butte arrondie au centre de l'image)

En 1333 et 1334, Ernoul et Jacquemin , les enfants de Jaquemart de Beaufort, écuyer et seigneur de Lalobbe ainsi que Gerardin son page, sont poursuivis en justice par les Religieux de Signy, pour être allés cueillir du muguet dans les bois de Châtillon qui appartiennent à l’Abbaye. Par cinq fois, ils accomplirent leur "larcin".

Sans doute, n'estimant pas l'affaire très importante , ils ne se présentèrent pas devant leurs juges. Un acte de défaut[1] fut établi en 1334.


Transcription dans un français plus"moderne", du texte rédigé en vieux français,


A tous ceux qui verront et entendront ces présentes lettres.

Mahuis Chambellains prévôt de Laon Salut. Que tous sachent que dans les registres des Défauts de la Cour du Roy notre sire, à Laon, ont été mis en défaut et ont été trouvés entre les autres absents, Ernoul et Jacquemin enfant de Jacques de Beaufort, écuyer, seigneur de Lalobbe en partie et Gerardin, page dudit Jacques, par cinq quinzaines en cause d'appel[2] contre et par le procureur des honnêtes hommes religieux, les religieux de l'Eglise de Signy de l'Ordre de Cîteaux qui représenta l'appel au nom desdits religieux que Frere Jehan Roussel convers[3] de ladite Eglise, avait fait contre les dessus dits absents qu'ils entraient allaient et venaient  pour cueillir du muguet en un bois qu'on dit Châtillon appartenant aux dits religieux à cause de ladite Eglise.

Quant à ce, les dits absents se disaient avoir le droit. De quoi le dit procureur ainsi qu'il l'a dit, entendu et voulu, s'est constitué partie civile pour demander réparation, et pour ce fait appel. Et, après l'appel ils sont entrés, allés et venus au dit bois et ont cueilli du muguet ; ce qu'ils ne pouvaient ni ne devaient faire, ainsi que le procureur le leur avait dit.

Et premièrement, il furent trouvés et mis en défaut le samedi après la mi Carême de l'an mil trois cent trente trois. Ensuite, la seconde fois, le samedi Vigile[4] de Grant Pâques avant l'office. Ensuite, la troisième fois le samedi après Quasimodo[5] l'an mil trois cent trente quatre. La quatrième fois, le samedi après les trois semaines de Pâques susdites. Et ensuite la cinquième dois le samedi après l'Ascension. Ainsi que les "défauteurs"[6] de ladite Court auxquels, quant à ce, nous accordons pleinement crédit, nous l'ont rapporté. A la relation[7] de quoi, nous avons rédigé ces présentes lettres et les avons scellées de notre propre sceau. En témoignage de la vérité, ce qui fut fait le samedi après la fête du Saint Sacrement de l'an mil trois cent trente quatre.

NB : En 1334 , Pâques était le 27 mars, l'Ascension le 6 mai


Texte en vieux français (avec l'orthographe de l'époque !)

 

[1] Acte de défaut : Acte de non-comparution de quelqu'un à une convocation, à une assignation

[2] En cause d'appel : Affaire jugée en appel

[3] Les convers :

Ce sont des religieux qui ne sont pas soumis à la règle majeure d'un ordre mais seulement à un règlement mineur et qui assurent les tâches matérielles de la communauté. Les moines cisterciens doivent tirer leur subsistance du travail de leurs mains, de la culture des terres et de l’élevage des troupeaux, ce qui les autorise à posséder pour leur usage personnel un domaine temporel constitué de terres labourables, de pâturages, de forêts, de vignes, de cours d’eau et d’ étangs et situé le plus possible «à l’écart des habitations séculières». Mais la règle impose également aux moines de vivre dans leur cloître et de participer collectivement et régulièrement aux «heures» consacrées au service divin. De plus, elle interdit tout accord de quelque nature qu’il soit, avec des laïcs pour le pacage des troupeaux ou la culture des terres.

Aussi, avec l’accord de l’évêque du diocèse sur le territoire duquel ils s’installent, les moines de Cîteaux décident de recevoir des laïcs chrétiens qui se chargent de l’essentiel des tâches matérielles nécessaires à la vie d’une communauté. On les appelle «convers» ou «frères convers». Ils se distinguent des moines par le port de la barbe et le vêtement (une robe gris-brun) et par leur parcours. Ayant postulé, ils accomplissent un an de noviciat au cours duquel ils découvrent les obligations de la règle bénédictine. Après cette année, ils renoncent solennellement à leurs biens personnels et promettent une obéissance sans faille à l’abbé. Mais les convers n’ont pas «voix au chapitre» et leur «profession» les écarte définitivement du statut de moine. Nombre d’entre eux viennent du milieu paysan. Une partie des convers habitent au monastère, dans l’«aile des convers». Ils en occupent en principe l’étage. Ils prennent leur repas dans un réfectoire particulier. D’autres vivent dans les exploitations agricoles que l’on nomme «granges» et dont l’un d’entre eux a la responsabilité avec le titre le titre de «Maître» (Magister). On trouve aussi des «maîtres» des troupeaux. Les convers apparaissent souvent dans les chartes comme témoins, notamment lorsqu’il s’agit d’actes de portée économique. https://www.les-amis-de-leoncel.com/2016/06/28/les-freres-convers/

[4] Vigile : Jour précédant une fête religieuse. On y célèbre un office particulier à ce jour et on y observe souvent l'abstinence. Cet office se déroulait à l'origine dans la nuit du samedi au dimanche. C'était la « grande veillée ». Au VIIIe siècle, elle fut avancée au samedi soir et bers le XIIe siècle, au samedi matin.

[5] Quasimodo : La Quasimodo est une fête ayant lieu le premier dimanche après Pâques, dans le calendrier chrétien. Une étymologie populaire attribue ce nom au fait qu'il désigne la fête la plus rapprochée de Pâques, qui est donc pour ainsi dire (quasi modo) une deuxième Pâques. La fête donne son nom au personnage de Quasimodo dans Notre-Dame de Paris, le roman de Victor Hugo. C'est en effet un dimanche de Quasimodo que le prêtre Claude Frollo le recueille sur le parvis de la cathédrale.

[6] Défauteurs : Magistrats ou greffiers (?) qui gèrent les défauts de comparution

[7] A la relation de : signifie que la rédaction de l'acte a été faite sur le rapport de la personne publique citée.

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