Les documents relatifs (cote H202 aux AD des Ardennes) à la succession de Gilbert Lepage curé de Lalobbe au milieu du 18ème siècle sont intéressants à plusieurs titres. On y découvre un inventaire des biens meubles se trouvant dans le presbytère ainsi qu’un état des dettes du défunt , le procès verbal de la vente des biens du curé et un traité relatif aux réparations à faire à l’église de Lalobbe. (voir publications sur l’église Saint Lambert).
D'autre part, une recherche dans les registres paroissiaux de Lalobbe permet également de constater que le curé Lepage vivait au presbytère avec son père et occasionnellement sa soeur, Gilette Lepage avec quelques un de ses enfants.
La famille de Gilbert Lepage
Depuis le décès de son époux, Gilette Lepage rendait fréquemment visite à son frère alors qu’elle résidait à Charleville. C’est ainsi qu’en 1743, deux fils âgés de 6 et 9 ans sont déclarés décédés au presbytère et en 1742 Louis Damars, un enfant de 3 ans décède au domicile de son oncle (c’est à dire le curé Lepage). Il est dit dans son acte de décès que l'enfant est enterré dans le cimetière, proche son grand père maternel à côté de la porte de la chapelle.
Lequel grand père François Lepage était décédé à Lalobbe le 30 avril 1740. Originaire d’Evigny et demeurant précédemment à Sept Fontaines, il fut inhumé « à costé du portail de la chapelle à trois pieds de la muraille du costé du presbytère ». Son gendre Joseph Damars signe l’acte de décès, ainsi que son fils Gilbert Lepage, curé de Lalobbe.
Le 27 mai 1747, le curé Gilbert Lepage décède donc au presbytère de Lalobbe. Il a quarante neuf ans et aucune précision n'est donnée sur les circonstances de sa mort. Dans l'état de ses dettes, il est fait mention de frais dûs à des chirurgiens.
Les compétences du chirurgien au 18ème siècle
Le même jour, il est inhumé dans l'église devant le grand autel en présence des prêtres des paroisses environnantes.
Sa soeur, Gilette Lepage qui était à Lalobbe avec une partie de ses enfants (Hyacinthe et Guillaumme), y décède une semaine plus tard, le 2 juin suivant. ainsi qu’un des ses fils, Joseph âgé de 14 ans le 4 novembre 1747.
Détail des différentes étape de la succession Lepage
A son décès, Gilette Lepage est veuve de Joseph Damars, exempt[1] de la maréchaussée du Hainault, décédé à Avesnes le 5 mai 1742. Elle laisse huit enfants mineurs pour recueillir sa succession. Les scellés sont apposés sur le presbytère et un inventaire est dressé.
Les 14 et 16 juin 1747, l’abbaye de Sept Fontaines dont Gilbert Lepage était un chanoine et l’abbaye Saint Martin de Laon dont dépendait la cure de Lalobbe renoncent, par mesure de charité envers les enfants mineurs, à la succession et abandonnent leurs droits sur la cotte-morte[2] du défunt, toutefois les religieux de St Martin conservent leurs droits sur la dîme.
En quoy lesdits droits et pretentions puissent consister, le present abandon cession et transport ainsy faits purement, simplement, grattuitement liberalement, et par une espece de charité en faveur des enfants mineurs au nombre de huit de deffunt sieur Joseph Damart exempt de la mareschaussée du departement de Valenciennes et de Damelle Gilette Lepage sa femme neveux et niece du coste maternel dudit Sr Lepage prieur curé de Lalobbe
François Joseph Damars, curé de Thilay, oncle et tuteur des enfants mineurs présente une requête au Bailli de la terre et seigneurie de Lalobbe pour obtenir la mise en vente des effets provenant de la succession de Gilbert Lepage, prêtre prieur de Lalobbe. La vente a lieu les 25 juin et 30 juillet 1747, devant le presbytère. Elle rapporte au total 960 livres 6 sols 6 deniers, les dettes s’élèvent 864 livres 19 sols.
L an mil sept cent quarante sept le dimanche vingt cinq juin par vertu de la requette et decrets au bar (barre : cour au siège de justice) de Mr le Bailly en la justice de Lalobbe en datte du quatorze du present mois signé Godel de Solvac obtenu et a la requette de Francois Damart pretre prieur curé de Tilet tuteur des enfants mineurs de defunt Sieur Joseph Damart et Gillette Lepage lequel a elu domicil audt lieu de Tillet je Gerard Letellier sergent en la justice de Lalobbe y demt soubsigné estant au devant du domicile mortuaire dudt defunt Mr Gilbert Lepage fait a scavoir a haute et intelligible voix et au son du bassin(cloche, tocsin) en la maniere accoutumée que j alloit tout presentement proceder a la vante et adjudications des effets mobiliers de la succession dudt defunt Lepage apres les advertissemens fait a Vuasigny au marchée et cejourdhuy au devant de l eglise fin et issue de la grande messe chantée et celebrée ledt jour en laditte eglise tous que le peuple en sestoient en grand nombre au plus offrand et dernier encherisseurs an charge par les adjudicataires de payer les prix de leurs adjudication comptant ou dans quarante jours en donnant bonne et sufisante caution qui seront receu en faisant leurs soumissions au bas de leurs articles, entre les mains dudt. Sieur Damart pour par luy en rendre compte quand et a quy il appartiendra. En procedant a esté mis en vante premierement
Ci-dessous le détail de la vente et des dettes,
texte retranscrit avec l'orthographe de l'époque !
A la fin de l’inventaire, sont rajoutés des biens vendus ne figurant pas dans le procès verbal de la vente, deux juments, des moutons, de la laine et divers ustensiles de ménage.
Dans l’inventaire et le procès verbal de la vente, on relève que le curé possédait deux porcs, une charrette, des prés à St Nicolas, du matériel agricole, des tonneaux. Dans le presbytère, on trouve de la vaisselle d'étain en quantité, du linge de maison, quatre matelas, deux bois de lit avec rideaux, onze chaises, cinq tables en bois, une armoire à robe en chêne, une armoire pendante, une maie, un "mauvais" coffre. D'autre part, parmi les créanciers du curé, on trouve le maréchal, le tailleur d'habits, le cordonnier, le boucher et un marchand de vin de Reims.
Enfin, une petite note fait état, entre autres, de 80 écus donnés à Hyacinthe et Joseph Damars, ses neveux.
A première vue, le curé Lepage vivait plutôt bien pour l'époque !
Le 12 juillet 1747, Un traité « d’accommodement » est passé entre François Joseph Damars et Frère Carbon le nouveau curé de Lalobbe. Pour le reste de l’année 1747 et seulement pour cette année, les dîmes (grosses et menues), la redevance de la ferme de la cure et les tontures de Saint Nicolas seront partagées à part égale entre eux. Les « empouilles[3] pendant par les racines » de Saint Nicolas reviendront à Mr Damars étant donné qu’il a fait les labours et voituré le fumier à Mr Carbon. La dîme dûe à l’abbaye de Saint Martin sera payée à raison de 40 livres chacun. Mr Damars devra régler ce qui est dû au curé de Monmeillant qui a desservi la cure de Lalobbe depuis le décès de Mr Lepage.
A cette même date, François Damart conclut un traité avec Pierre Marandel et Urbain Legros. Il leur abandonne à titre de cession de bail, les empouilles de St Nicolas contre 180 livres et leur accorde l'utilisation d’une grange appartenant à la succession Lepage et ce pour l’année en cours.
Nous soussigné François Damars Chanoine regulier tuteur des enfans mineurs des deffunt Joseph Damart et Gilette LePage en consequence de la cession et abbandon fait par traitté avec Mr Carbon prieur de St Lambert de Lalobbe des empouilles pendant par racine a St Nicolas terroir dudit Lalobbe lesquelles empouilles consistent en deux pieces tant en bled qu'en mars d'une part, et nous Pierre Marandel, lainé et le Jean Urbain Legrois marchand demt a Lalobbe d'autre part savoir que moi Damars audit nom ay donné et donne a cession de bail pour la présente année seulement lesdittes empouilles tant en bled qu'en mars dudit St Nicolas lesquelles ont dit le savoir et bien connaître et s'en sont contenté a raison de la somme de cent quatre vingt livres Laquelle somme m'a été payé contant par lesdits Marandel et Legros au moien de quoi nous sommes demeuré d'accord dont lesdits Marandel et Legros jouiront paisiblement pour cette année en outre a eté ceddé en faveur dudit marché une grange située audit Lalobbe appartenant auxdits mineurs pour laditte année seulement, Fait double a Lalobbe le douze juillet mil sept cent quarante sept.
En octobre 1747, le curé Carbon reçoit un courrier de Laon (de l’abbaye St Martin) lui conseillant de saisir les dîmes des fermiers auxquels elles avaient été louées. La dîme devait notamment servir à entretenir les bâtiments religieux et les réparations dont l’église de Lalobbe avait visiblement besoin, n’avaient pas été faites. De plus, il est demandé au curé Carbon d’assigner Mr Damars le tuteur des enfants héritiers du curé Lepage afin qu’il participe aux réparations de l’église.
Le 9 novembre 1747, le curé Carbon informe Mr Damars que les réparations du presbytère seront à la charge des habitants de Lalobbe alors que la succession Lepage en était tenue. Par contre, les frais des réparation du choeur et cancel[4] de l’église seront partagés entre la succession, l’abbaye de Signy et celle de St Martin de Laon. Il lui demande de venir à Lalobbe afin d’éviter une assignation.
Le 11 novembre 1747, Gérard Letellier le sergent de la seigneurie de Lalobbe reconnait officiellement Mr Damars comme tuteur des enfants mineurs selon l’arrêt du mois de juin 1747 et saisit Toussaint Bocquet afin qu’il restitue les sommes provenant de la succession Lepage et qu’il pourrait détenir.
Saisie au profit de Mr Carbon de Lalobbe contre Toussaint Bocquet dud lieu Lan mil sept cent quarante sept le onzieme jour de 9bre tant en vertu du bail passé entre les religieux prieur et couvent de labbaye de St Martin de Laon et defunt Mr Gilbert Lepage au jour de son deces, pretre prieur curé de Lalobbe, le dix juilllet mil sept cent quarante quatre quant aud. et a la requette de Maitre Jacques Carbon pretre prieur curé de Lalobbe ou il a elu son domicil, je Gerard Letellier sergent immatricullé en la justice de Lalobbe y demt soubsigné ay saisis et arretté sieur Maitre François Joseph Damart pretre prieur curé de Tillet (c'est à dire nomme officiellement Mr Damart) au nom et comme tuteur des enfans mineurs de defunt Joseph Damart et Gilette Lepage suivant l’arret en la justice de Lalobbe du mois de juin dernier. Lesquelles mineurs ont apréhendée la succession dud. defunt Mr Gilbert Lepage entre les mains de Toussaint Bocquet labr demt.(c'est à dire que la succession avait été remise entre les mains de Toussaint Bocquet) a Lalobbe en portant a sa personne a donner tous et un chacun les sommes et deniers ou autres effets qui peut avoir entre les mains provenant de la succession de defunt Lepage et Damart pour suretté des sommes deub aud. Carbon et des reparations a faire au coeur et canselle de l eglise parroissialle dud . Lalobbe avec defance de sen dessaisir quil n'en soit ordonné par justice sous les peines et desir des ordonnances et sans prejudice et actions droit deub et action auquel partant comme dessus, je luy ay laissé copie du present original quy sera controllé
Le même jour, Mr Damars adresse un courrier à Mr Dorigny marchand à Sury et curateur des enfants mineurs le chargeant de se se rendre à Lalobbe afin de recouvrir diverses créances et régler des dettes. (Ponce Dorigny était marié à Catherine Lepage, très certainement apparentée à Gilette Lepage).
Adressé à Mr Dorigny marchand à Sury A Thillay ce 11 9bre 1747 Je prie Mr Dorigny d'aller a Lalobbe lever le reste de la vente des effets de feu Monsieur Lepage sans oublier la piece de bierre et les pailles qu'il a livrés a Mr Detrigne, de recevoir chez Mr Marandelle 185 livres pour les dismes et de finir son compte avec Mr Lepage pour les debours? ... de prier Mr Godard marguillier de payer a Mr Carbon vingt francs dus parla fabrique pour les obits acquittés, ... fournir les registres de bapteme et les fres feuilles, et d'y ajouter le reste pour payer la moitié du loyer de St Martin de Laon c'est a dire quarante francs pour notre part. Item de payer quarante ecus au marechal [...]
Enfin le 23 décembre 1747, un marché est conclu entre les abbayes de Signy et de St Martin de Laon, Mr Damart tuteur des enfants mineurs Damart et deux artisans chargés des travaux de réparation de l'église. (Voir publications relatives à l'Eglise St Lambert).
[1] Exempt de la maréchaussée : Se disait, dans certaines compagnies de gardes, d’un officier qui commandait en l’absence du capitaine et des lieutenant - Maréchaussée : Corps de gens à cheval établi pour la sûreté publique et remplacé par la gendarmerie.
[2] Cotte-morte : Ce qu'un religieux, à sa mort, laissait en fait d'argent, de meubles ou d'habits
[3] Empouilles : Récoltes encore sur pied
[4] Cancel ou Chancel : Le Cancel est un vieux terme, qui signifie barreaux; ce n’est autre chose que ce qui forme la séparation du Chœur & de la Nef ; le Cancel fait partie du Chœur
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