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catherinepaulus

Le prieuré de Saint Nicolas aujourd'hui un simple lieudit

Vallée de St Nicolas à Lalobbe


Pourquoi ce lieudit de Lalobbe s'appelle Saint Nicolas ? C'est une petite vallée de champs, de vergers plantés de pommiers et de bois traversée par un ruisseau sans à priori, aucune trace d'édifice religieux ....






Toutefois, dans une copie d'un questionnaire adressé aux paroisses du diocèse de Reims vers 1844, il est fait mention des traces d'un monastère, (copie faite en 1948 par Charles Davesne).


Extrait des réponses


Plusieurs documents mentionnent le "prieuré de St Nicolas". Ainsi dans "les additions de Pierre Marandel à la chronique de Jean Taté", le chroniqueur indique en 1676 que "Frère Antoine Foulon prit possession de la cure de Lalobbe et du Prieuré de St Nicolas en dépendant". De même, on trouve dans la marge des registres paroissiaux de 1686, une note rédigée lors de l'arrivée du nouveau curé Antoine Fromage mentionnant le prieuré. Voir Publication "les curés avant la révolution".


Mes recherches dans les cartulaires de l'Abbaye de Signy et de St Martin de Laon m'ont permis de confirmer l'existence d'un petit monastère nommé St Nicolas et situé dans la vallée du même nom.


Dans un acte non daté, mais que l'on peut estimer avoir été rédigé entre 1176 et avant 1194[1] Guy de Sery, sa mère Aélidis, son épouse Ide font une donation à l’Abbaye Saint Pierre de Hautvillers et au prieuré Saint Nicolas de Semuy[1bis], d’un petit monastère doté d'une chapelle portant le nom de Saint Nicolas. L'acte de donation précise que les moines qui le desservent ainsi que les habitants auront la jouissance des eaux, bois et pâturages qui relèvent du domaine de Guy de Sery.

Donation du monastère de St Nicolas à Lalobbe fin 12ème so_cme

Traduction réalisée avec la participation d'Armand Dumont et Sandy Andriant, de FGW-Traduction-Latin https://www.francegenweb.org


En 1194, cet édifice religieux est consacré avec l'autorisation de l’Abbaye de Saint Martin de Laon.

Traduction du texte de 1194 rédigé en latin

Dans ce texte, l'abbé de Saint-Pierre d'Hautvillers demande l'autorisation à l'église de Saint-Martin de Laon de consacrer une nouvelle basilique(*) dans le village de Lalobbe, l'autorisation est donnée sous condition que l'abbé respecte les droits de l'église paroissiale existante et de son curé. L'Abbé confirme cet accord par son sceau.

(*) Par basilique, il faut comprendre édifice religieux et non basilique comme on l'entend aujourd'hui (« On appelloit basiliques les édifices dédiés au culte de Dieu & en l'honneur des saints, spécialement des martyrs. (Cf Selon Bellarmin, tom. II. de ses controverses)


1325 Changement de propriétaire au bénéfice de l'Abbaye de Signy


En 1325, deux textes attestent d’un échange de biens entre les abbayes de Hautvillers et de Signy. En raison de l’éloignement, les religieux de Hautvillers décidèrent d’échanger leurs biens situés à Lalobbe (la cense St Nicolas et sa chapelle) contre des terres que les religieux de Signy l’Abbaye détenaient à Epernay.



Le second texte décrit précisément le lieu où se trouvaient les bâtiments et les dépendances de la « cense(=ferme, métairie) Saint Nicolas ». De nombreux lieux-dits sont cités, certains existent toujours dans le cadastre actuel, parfois déformés, parfois identiques.




Lieux dits du cadastre napoléonien 1815 figurant dans le texte de 1325




1525 Raulin le Roy, le censier de Saint Nicolas est arrêté


En 1525, Jean Franquet, le sergent des seigneurs de Lalobbe (Guillaume Dunerhon ou Dunerbon et Gilles de Resnes) avait arrêté Raulin le Roy, le censier de Saint Nicolas et lui avait confisqué son cheval avec deux quartels de farine qu’il venait de faire moudre au moulin de Signy, au motif qu’il devait faire moudre son blé au moulin de Lalobbe, ce que contestèrent les religieux de Signy.

 

Les religieux firent valoir leurs droits sur la dite cense et un accord avantageux pour les moines fut trouvé entre les seigneurs de Lalobbe et les religieux de Signy qui gardèrent leurs droits de haute, moyenne et basse justice sur la cense de St Nicolas, laquelle fut exemptée de toutes impositions envers les seigneurs de Lalobbe. Les religieux obtinrent également de pouvoir passer sur le territoire de Lalobbe sans payer de droit de passage.

 

Les religieux demandèrent à percevoir une redevance sur le moulin de Lalobbe, ce qui leur fut accordé moyennant quoi ils abandonnèrent une partie de la dette dûe par les Seigneurs de Lalobbe.




1546 Reconnaissance de dettes de Gobine Leroy, veuve de Nicolas Leroy, envers l’Abbaye de Signy

 

Le 1er avril 1546, Gobine Leroy, veuve de Raulin Leroy, censier de Saint Nicolas reconnait devoir à l’Abbaye de Signy la somme de huit livres et une livre de cire[2] par an, payable et livrable à la Saint Remy (15 janvier) et à Pâques, en raison du bail que son époux avait passé le 13 janvier 1516 avec les religieux de l’abbaye. Ce bail concernait la Cense de Saint Nicolas (maisons, granges, étables, jardins, prés et terre) ainsi que le pré l’Estorgneau qui était dans la forêt de l’Abbaye.





1624 La cense Saint Nicolas devient la propriété de la cure de Lalobbe


Le 8 août 1624, eut lieu une transaction entre Antoine de Bourbon[3], comte de Moret, frère naturel du roi et abbé commendataire de l'Abbaye de Signy et frère Nicolas Anceau, curé de Lalobbe. Après avoir reconnu la sentence du 14 décembre 1622 qui condamnait le précédent abbé de Signy a versé à Nicolas Anceau, une portion congrue d'un tiers des dîmes de Lalobbe et la sentence du 26 mai 1623, qui interdisait au frère Nicolas Wuillemet d'occuper la cure de Signy, les deux protagonistes s'accordèrent de la façon suivante :

L'abbaye de Signy abandonna au profit du curé Nicolas Anceau, la cense St Nicolas c'est à dire un jardin, des terres, un petit pré et l'étang Branlant qui était donné à bail depuis le 16 juin 1617 à Pierre Muserel.

En contre partie, Nicolas Anceau abandonna le tiers de la dîme qui lui avait été précédemment accordé en tant que portion congrue[4]. De plus, il ne s'opposa plus à ce que le frère Wuillemet remplisse ses fonctions curiales à Signy.


Jugement entérinant la cession de la cense Saint Nicolas au curé Anceau et à ses successeurs


Jugement du Grand Conseil[5] du 30 septembre 1636

Nicolas Anceau curé de Lalobbe fait part de deux demandes :

Tout d'abord, une requête du 19 janvier 1634 présentée au juge de Lalobbe demandant à ce que Yolande et Cécile Martin, François Dacy et autres soient condamnés à lui payer les dîmes  des terres relevant de la cure de Lalobbe.

Ainsi que l’entérinement d’une requête du 30 avril 1636 ordonnant que la transaction du 8 août 1624 soit exécutée, c’est à dire que les titres et baux de la Cense Saint Nicolas lui soient transmis, qu’il puisse jouir de cette cense et de l’Etang Branlant et que les bois coupés dans ces lieux depuis date ou leur valeur lui soient restitués.


En face de lui, le Cardinal de Richelieu, abbé de Signy fait part de  sa requête du 8 février 1636, à savoir que la Cense Saint Nicolas qui avait été donné à Nicolas Anceau soit de nouveau rattachée à l’Abbaye de Signy et que le curé Anceau s’en tienne à la portion congrue.

 

Dans les arrêts du jugement, il est fait rappel de cette transaction de 1624 : la cense de St Nicolas et l’Etang Branlant avaient été donnés au curé de Lalobbe. Ce dernier, en contre partie avait abandonné le tiers des dîmes de Lalobbe qui lui avait été accordé le 14 décembre 1622, la cense St Nicolas lui tenant lieu de portion congrue et avait consenti à ce que le curé de Signy, Nicolas Wuillement  et ses successeurs à qui on avait défendu le 27 mai 1623 de remplir leurs fonctions curiales, soient autorisés à le faire[6].

Nicolas Anceau  avait déjà à trois reprises, demandé à ce que cette transaction soit exécutée et trois procès verbaux de sommation avaient été établis les 18 juin 1634, 4 avril et 22 juin 1636.

 

Le Grand Conseil fit droit aux requêtes de Nicolas Anceau  et ordonna l’exécution de la transaction de 1624 ; le curé de Lalobbe et ses successeurs furent confirmés comme propriétaires de la Cense St Nicolas et de l’étang Branlant. Il fut ordonné que la dîme due par la paroisse de Lalobbe soit partagée entre l’Abbaye de Signy (un tiers) et la cure de Lalobbe (deux tiers). Les religieux de Signy eurent trois mois pour transmettre à Nicolas Anceau les titres et baux de la Cense St Nicolas et il était prévu que le curé de Lalobbe soit dédommagé (restitution ou indemnisation) des coupes de bois qui avaient été effectuées depuis 1624 .

 

[1] La donation est faite sous la protection de Guillaume archevêque de Reims de 1176 à 1202 et en 1194 un autre acte est rédigé constatant l'autorisation de consécration d'une "basilica"voir paragraphe suivant.

[1b] L'abbaye Saint-Pierre de Hautvillers est une ancienne abbaye bénédictine, située dans la commune de Hautvillers, dans la Marne et le prieuré St Nicolas de Semuy construit au 12ème siècle dépendait de l'abbaye de Hautvillers. On peut supposer que le prieuré de Lalobbe avait été baptisé St Nicolas en référence à celui de Semuy

[2]Au XIVème siècle la cire entrait pour une très grande part dans les redevances en nature et subvenait essentiellement à l’éclairage des demeures princières, des monastères et des églises, ce luxe de l’éclairage s’accrut dans les palais aux XVème et XVIème siècles

[3] Antoine de Bourbon était un enfant illégitime d'Henri IV, il était donc le demi frère de Louis XIII, roi de France

[4] La portion congrue est la partie du revenu des dîmes reversée aux curés des paroisses de l’Ancien Régime par les évêques, abbés, chapitres, seigneurs, qui percevaient cet « impôt » Cette part est maigre, alors que cette expression signifiait initialement « part convenable ». Elle était censée lui permettre de vivre convenablement, mais se trouvait souvent réduite par l'inflation à un montant insuffisant.

[5] Le Grand Conseil était une formation juridictionnelle du Conseil du roi, qui était un ensemble d'organes collégiaux, institutionnalisés et permanents chargés de préparer les décisions du roi de France et de le guider de leurs avis. Le Grand Conseil était une véritable cour de justice souveraine, où le roi ne venait d'ailleurs jamais, composée d'un personnel propre et chargée de statuer sur toutes les affaires contentieuses soumises directement au roi. Cette cour de justice jugeait certains procès réservés et spécialement les questions relatives aux bénéfices ecclésiastiques.

[6] En 1623, l’église de Signy n’était pas bénite, n’avait pas de fonds baptismaux et les enfants étaient apportés à Lalobbe pour être baptisés. (Cf p186 Histoire de l’Abbaye de Signy par J Mathy).

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