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Les donations des Seigneurs et des habitants de Lalobbe en faveur de l'Abbaye de Signy

Dernière mise à jour : 20 oct. 2024

L’acte de donner est l’une des pratiques les plus constantes et les plus répandues du Moyen Âge. Les donations sont faites à Dieu à travers ses représentants sur terre, prêtres et moines. Les archives d’origine ecclésiastique livrent une masse de documents, où sont consignés les biens ou les droits abandonnés au profit d’une église, d’un monastère. Ces séries documentaires sont souvent compilées dans des recueils, les cartulaires.

On sait que les dons et leur écriture ont lieu au cours de cérémonies publiques, en présence d’une assemblée plus ou moins importante, où se côtoient clercs et laïcs. Les actes de donation sont dictés, lus et entendus. Souvent le donateur dépose le parchemin sur l’autel consacré au saint patron de l’église. Le don est ainsi à l’origine d’un véritable rituel qui passe par la parole, parlée et écrite, et par les gestes. Il s’agit d’un acte rédempteur qui garantit au donateur sa place dans le Ciel.

Le don permet ainsi au donateur laïc de prendre place dans les échanges avec Dieu. Mais, les dons effectués du vivant du donateur sont insuffisants pour conduire l’âme au paradis ; d’où l’importance dans les donations, de prières pour les morts et d’aumônes pour les pauvres distribuées après la mort du donateur.


Dans le cartulaire de l'Abbaye de Signy, figurent de nombreux actes de donation.

Ainsi, Guy1er de Sery avait donné à l’Abbaye de Signy sa terre de Lalobbe et toutes ses servitudes. avec l’approbation de son épouse Aelide, de ses enfants, de sa soeur Elisabeth et son fils Guillaume. En 1155, ce don fut reconnu lors de l’enterrement de Guy de Sery en présence de témoins.


Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy


Au nom du saint individu de la Trinité, moi, Samson, par la divine miséricorde, archevêque de Reims. Pour tous les enfants de la sainte mère l'Église, futurs et présents. La paix et la tranquillité des religieux qui se livraient aux services divins, aux jeûnes, aux prières et aux veillées, se sont souvent avérées troublée par la perversité et l'impiété du mal des Hommes. De peur que ne soit détruit par l'oubli, et pour la paix de l'Église de Signy, il est utile de se souvenir des lettres que nous avions rédigés. Wiard (Guy) de Sery  avait donné aux frères de Signy une certaine propriété qu'il avait près de Signy, et qu'on dit appelée Lalobbe,  ainsi que toutes les servitudes de toutes ses terres, en aumône consentante de sa femme Aelide, de ses enfants, également de sa sœur Elisabeth et de son fils Willermo (Guillaume), comme une possession libre et perpétuelle, entière et complète, afin qu'ils partagent avec Dieu les choses spirituelles avec lesquelles ils ont partagé leurs choses temporelles dans le présent . Et cette aumône a été reconnue à Dione (Dyonne, lieudit de Sorbon) lors de l'enterrement du même Wiard par son épouse et sa sœur, les abbés de Saint-Martin de Laon et de Triona, le prêtre de Bovone, Pierre de Montecornet et Thomas de Neufchatel, et en présence de la comtesse de Rethel. Et cela, afin qu'il reste vrai et incontesté, nous l'avons confirmé par l'empreinte de notre sceau et l'attestation de personnes dignes de confiance. Signature de Barthélemy ; de Boson l’archidiacre, de Drogon ,de Léon le doyen, de Grégoire le Chantre, de Henri, de Roger, de Thomas le prêtre, de Matthieu, de Herluin,  de Letold le diacre, de Roger, de Herlaud, de Étienne le sous-diacre. Fait, l'an du Verbe Incarné[1], l'an mil cent cinquante cinq, indiction[2] quatrième, en la dix neuvième année du règne de Louis le très noble Roi de France, Et seizième année de l'archevêque Don Samson.Robert le chancelier a reconnu, écrit et signé.


En 1181, Guy de Sery et son épouse Ida, font donation de l’Eglise[3] de Lalobbe avec tous les droits qui s’y rattachaient, à l’Abbaye de St Martin de Laon qui bénéficie également de la dîme que Lalobbe devait au seigneur de Sery.


Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy

[...]Paix dans le Seigneur à tous, futurs et présents, à qui ces lettres sont parvenuesFaites savoir à tous, que Gui de Sery, avec le consentement de son épouse Ida, a renoncé à l'église de Lalobbe entre nos mains, et nous l'avons donné à l'église du bienheureux Martin de Laon et lui avons accordé d'en être une possession perpétuelle en paix.Et le même Guy nous  a généreusement donné et accordé tous les droits qu'il avait sur l'Eglise elle-même et la dîme de la ville elle même. De plus, il accorda aux frères de cette même église et à leurs troupeaux et à leurs familles, des aisances (servitude) sur tout son territoire dans les bois, dans les plaines, dans les eaux et dans les pâturages, de telle sorte que si les frères ou leurs serviteurs ou que du bétail ait fait quelque dommage aux récoltes ou aux prés, à la vérité et à l'appréciation du voisinage, sans aucune autres amendes, ils répareront cela  [. ..] Fait l'année depuis l'incarnation du Seigneur mil cent quatre-vingt-unième.

En 1208, Guy 2 de Sery, (le fils du précédent) et sa première épouse Ida (ou Ide), font donation de leur part dans la dîme de Lalobbe pour le salut de leurs âmes et de celles de leurs héritiers.

Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy

Que chacun sache, présents & futurs que moi Guy Seigneur de Sery & ma femme Ida pour le salut de nos âmes, pour le salut des héritiers de nos ancêtres nous avons donné en aumône perpétuelle à l'église de Signy notre part totale de la dîme de La Lobbe, c'est-à-dire les deux parties que nous avions reçues en échange de Guillaume de Jandun. [...] A tous ceux de l’église de Signy, nous avons promis la garantie légitime de nos côtés, et de peur qu'aucune calomnie ne s'élève désormais de nos successeurs, nous avons fortifié le cartulaire actuel avec l'empreinte de nos sceaux. Fait l'an mil deux cent huitième depuis l'incarnation du Seigneur


En 1211, Guillaume de Jandun reconnaît les donations faites à l’Eglise de Signy par son père Guillaume, sa mère et son oncle Gossuin, chanoine de Laon. De plus, il abandonne pour toujours, les droits qu’il avait dans les dîmes de Lalobbe ainsi qu’un setier de froment sur le moulin de Lalobbe déjà donné par son père pour la fabrication des hosties.


Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy

Moi Guy, Seigneur connu de Ciris (Sery), Je déclare à ceux présents et futurs, à qui la présente Ecriture est parvenue, que mon fidèle Guillaume de Gendun (Jandun) avait été excommunié auprès de l'Autorité Apostolique, et que la Terre avait été soumise à l'Interdit pour la plainte qu'il avait contre la Maison des Signy concernant l'aumône de son père. Enfin il reconnut l'aumône lui-même. C’est à savoir, les grandes et petites dîmes d'Alnet(Launois) et les offrandes à l'Eglise et la part que son oncle, le chanoine Goffuinus de Laon, avait détenue dans les dîmes de Maisencelle. Il ajouta à cette aumône, les les aisances et les pâturages d'Alnetus(Launois) et de Gendun (Jandun), que lui et sa mère avaient donnés  à la maison susmentionnée. Il ajouta également à cette aumône tout ce qu'il avait dans les grandes et petites dîmes de Lalobbe, et tout ce qui lui appartenait par droit d'héritage, et de même un setier de froment (blé –céréales)  à Lalobbe de même manière que son père avait donné en aumône pour faire des hosties. [...] Tout cela fait avec mon conseil, mon aide et mon consentement, la mère dudit Guillaume et sa sœur, le beau-père et la belle soeur les ont approuvés et ont confirmé l'interposition, promettant qu'ils ne troubleraient plus la maison de Signy.[...]. C'est pourquoi, afin que tous obtiennent la force d'une perpétuelle fermeté, j'ai scellé la présente Charte de l'empreinte de mon sceau. Fait l'an de grâce mil deux cent onze.


Les seigneurs n'étaient pas les seuls à faire des donations à l'abbaye de Signy. Ainsi en 1225, Emeline, veuve de Alain de Lalobbe fait donation d'une rente d'un setier de blé sur son champ situé près du chemin de Rogierville. Le blé est à prendre à la St Rémi, sauf quand le champ est en jachère.


Le texte en latin n'est pas facile à lire. On identifie quelques passages (entourés en rouge) :

Emeline veuve de Alain de Lalobbe – setier de blé à prendre à la St Remy, champ près de la route de Rogiville. On peut trouver le résumé de ce texte sur le site Regecart où sont répertoriés l'analyse de nombreux cartulaires.


De même, en 1228, un certain Oger dit l’Estoquial[4] de Lalobbe donne à l’Abbaye de Signy un pré qu’il possédait le long des rives de la Vaux sur le terroir de Signy.

 

Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy

[...] Faites savoir à tous qu'Oger, surnommé Estoquials de Lobia, s’est présenté devant nous, il a reconnu qu'il avait donné en aumône perpétuelle à l'église de Signy  un certain pré qu'il avait et possédait près de la cense, au dessous du territoire de Signy, au dessus de la rive de la Vaux, l'emplacement duquel pré appartenait au cens de ladite église de Signy, sous le serment de la foi[5] promettant fermement, que dans ledit pré il ne réclamera plus rien à l'avenir, ni pour lui-même, ni pour un autre, mais contre tous ceux qui veulent s’opposer au droit, il apportera désormais la garantie légitime de l'église de Signy. [...] Fait l'an du Seigneur mil deux cent vingt-huit, au mois d'août.


En 1236[6], Guy de Sery offre à l’Abbaye de Signy un demi muid de froment et autant de trémois pour le repos de l’âme de Jacque du Thour dit Oudart et pour ses ancêtres.


Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy

Faites-le savoir à ceux présents et futurs à qui cet écrit parviendra, que moi, Guy de Sery, avec le consentement de ma femme, pour l'âme de mon parent Jacques du Thour, surnommé Oudart, et pour l'amour de mes ancêtres et héritiers, j'ai donné en paix au monastère de Signy, une demi-mesure de froment et une demi-mesure de trémois, selon la mesure de Château, à prélever chaque année au terrage[7] du village de Lalobbe en plein battage de la moisson (des blés). J'ai reconnu cette aumône au chapitre de Signy, et pour la reconnaissance elle-même j'ai apporté le traité sur l'autel de la Bienheureuse Marie, en présence de témoins appropriés, Maître Guy de Mézières, Jean de Ainaudi Monte, Guillaume de Jandun, Gerard d'Aubigny, Jean de Warcq( ?).


En 1297 Ernoul de Beaufort chevalier, seigneur de Lalobbe et de Sery  et son épouse Aalis ou Alix confirment tous les dons qui ont été précédemment faits par eux mêmes et par leurs ancêtres à l’Abbaye de Signy. Ils conservent toutefois la haute et basse justice sur la maison que les religieux détenaient à Lalobbe. De plus,ils ajoutent que  les religieux, leurs sergents et leurs bêtes  ne seront pas amendables en cas de dommage causé aux habitants de Lalobbe, ils devront simplement  réparer les préjudices.

Cet accord est vidimé[8] en avril 1387 par le garde des Sceaux du Bailliage du Vermandois[9].

Texte original



Transcription du texte en vieux français avec quelques commentaires

A tous ciaus qu ces presentes lettres verront & orront.Nous Ernoul de Biaufort Chevaliers & Aalis sa femme Signeurs de la Lobbe & de Ceris(Sery) Salut en nostre Signeur.

Saichent tuit(tous) cil(ceux) qui sont & qui a venir sont, que nous pour le salut de nos ames & de nos ancesseurs (ancêtres), toutes les concessions, dons, aumosnes, franchises & chartres faites & denées(données) de nous & de nos ancesseurs as(aux) hommes & religieux l'Abbeit & le Couvent de l'Eglise de Signi de l'Ordre de Cistiaus de la dyocese de Reins, loons,(louons) approuvons, renovelons, confermons & renonssons(renonçons) que Ban, ne(ni) justice, ne usage, ne nule autre chose en bos(bois), en maisons nen toutes autres choses queles queles(quelles que) soient qui aus dis religieux appartiennent nous n'avons, ne clamons, ne retenons fors mise(excepté) la Maison des dis religieux quil tiennent a la Lobbe en laquele nos retenons justice haute & basse fors que en personnes de ladite Eglise.

Derechief(De plus, en outre) nous otrions & volons que ce(si) li frere de ladite Eglise leurs sergens ou leur bestes faisoient damage a nous ou a nos hommes en quelcunque liu ou chose que ce fut par toute no terre quil soient tuite(tout) parmi le simple damage sens autre forfait & amende & que nous, ne nos successeur, les freres les  sergens ne les bestes de ladite Eglise ne puissiens, ne doiens retenir pour loquison(l’occasion) dou damage puis quil le vorroient  simplement rendre.

Apres nous denons & otrions a ladite Eglise que ceste presens lettre & toutes les Chartres quil ont de nous & de nos ancesseurs soient ad es fermes & estables en leur vertut & que nus drois, ne nule saisine(possession) ne puissent estre aquis, a nous, na nos successeurs par usage contraires a aucunes choses queiles queles soient contenues en leur chartres, sauf ce quil ne pueent(peuvent) acheter sans no(notre) congiet(permission, autorisation), heritage a la Lobbe.

Et a toutes ces choses tenir fermes & estables nous oblejons(obligeons) nous, nos nos hoirs & tous nos successeurs tous nos biens meubles & heritages presens & futurs.

En tesmoingnage desqueis choses nous avons denées as dis religieux ces presentes lettres saelées(scellées) de nos propres seaus qui furent faites l'An de grace mil deus cent & quatrevins & disset le mardi apres la Feste Saint Luc.

[1] Verbe incarné : L'expression ère de l'Incarnation(ou année du verbe incarné) désigne la période qui succède à l'Incarnation de Dieu en Jésus-Christ. On l'appelle aussi ère chrétienne. La datation des années en vigueur en Occident depuis la fin du Moyen Âge procède de l'ère de l'Incarnation 

[2] Indiction : À partir de 312, l’empereur Constantin Ier rendit obligatoire la mention de l'année de l’indiction, c’est-à-dire le numéro d'ordre de l’année dans le cycle (cycle de 15 années), pour qu’un acte juridique soit valide, créant un référencement des dates plus pratique que l’indication du nom des consuls de l’année. L'indiction commençait toutefois au 1er septembre, à la différence de l'année consulaire

[3] Par église, il faut comprendre à la fois l'église en tant qu'édifice religieux mais aussi revenus paroissiaux de l'église

[4] L'estoquial, ce sobriquet viendrait de « toquet » et désigne un individu trapu (Microtoponymie du défrichement dans les Ardennes Michel Tamine (première partie)  p75)

[5] corporalis fides : serment que l’on prête la main tendue sur la croix, les évangiles ou les reliques

[6] La date est incertaine car non inscrite dans l’acte, mais s'insère dans une série d'actes de 1236

[7] Terrage : Droit seigneurial, redevance annuelle sur les fruits de la terre (appelé également champart)

[8] Vidimé : Certifié conforme à l’original)

[9] Bailli : Représentant du roi ou d'un seigneur, dans une circonscription où il exerce par délégation un pouvoir administratif et militaire, et surtout des attributions judiciaires, soit en première instance, soit comme juge d'appel des prévôts ou des hauts-justiciers. Les principales villes du bailliage de Vermandois sont au XVIe siècle Laon, Soissons, Noyon, Saint-Quentin, Ribemont en Thiérache, Coucy.

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