L’acte de donner est l’une des pratiques les plus constantes et les plus répandues du Moyen Âge. Les donations sont faites à Dieu à travers ses représentants sur terre, prêtres et moines. Les archives d’origine ecclésiastique livrent une masse de documents, où sont consignés les biens ou les droits abandonnés au profit d’une église, d’un monastère. Ces séries documentaires sont souvent compilées dans des recueils, les cartulaires.
On sait que les dons et leur écriture ont lieu au cours de cérémonies publiques, en présence d’une assemblée plus ou moins importante, où se côtoient clercs et laïcs. Les actes de donation sont dictés, lus et entendus. Souvent le donateur dépose le parchemin sur l’autel consacré au saint patron de l’église. Le don est ainsi à l’origine d’un véritable rituel qui passe par la parole, parlée et écrite, et par les gestes. Il s’agit d’un acte rédempteur qui garantit au donateur sa place dans le Ciel.
Le don permet ainsi au donateur laïc de prendre place dans les échanges avec Dieu. Mais, les dons effectués du vivant du donateur sont insuffisants pour conduire l’âme au paradis ; d’où l’importance dans les donations, de prières pour les morts et d’aumônes pour les pauvres distribuées après la mort du donateur.
Dans le cartulaire de l'Abbaye de Signy, figurent de nombreux actes de donation.
Ainsi, Guy1er de Sery avait donné à l’Abbaye de Signy sa terre de Lalobbe et toutes ses servitudes. avec l’approbation de son épouse Aelide, de ses enfants, de sa soeur Elisabeth et son fils Guillaume. En 1155, ce don fut reconnu lors de l’enterrement de Guy de Sery en présence de témoins.
Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy
En 1181, Guy de Sery et son épouse Ida, font donation de l’Eglise[3] de Lalobbe avec tous les droits qui s’y rattachaient, à l’Abbaye de St Martin de Laon qui bénéficie également de la dîme que Lalobbe devait au seigneur de Sery.
Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy
En 1208, Guy 2 de Sery, (le fils du précédent) et sa première épouse Ida (ou Ide), font donation de leur part dans la dîme de Lalobbe pour le salut de leurs âmes et de celles de leurs héritiers.
Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy
En 1211, Guillaume de Jandun reconnaît les donations faites à l’Eglise de Signy par son père Guillaume, sa mère et son oncle Gossuin, chanoine de Laon. De plus, il abandonne pour toujours, les droits qu’il avait dans les dîmes de Lalobbe ainsi qu’un setier de froment sur le moulin de Lalobbe déjà donné par son père pour la fabrication des hosties.
Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy
Les seigneurs n'étaient pas les seuls à faire des donations à l'abbaye de Signy. Ainsi en 1225, Emeline, veuve de Alain de Lalobbe fait donation d'une rente d'un setier de blé sur son champ situé près du chemin de Rogierville. Le blé est à prendre à la St Rémi, sauf quand le champ est en jachère.
Le texte en latin n'est pas facile à lire. On identifie quelques passages (entourés en rouge) :
Emeline veuve de Alain de Lalobbe – setier de blé à prendre à la St Remy, champ près de la route de Rogiville. On peut trouver le résumé de ce texte sur le site Regecart où sont répertoriés l'analyse de nombreux cartulaires.
De même, en 1228, un certain Oger dit l’Estoquial[4] de Lalobbe donne à l’Abbaye de Signy un pré qu’il possédait le long des rives de la Vaux sur le terroir de Signy.
Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy
En 1236[6], Guy de Sery offre à l’Abbaye de Signy un demi muid de froment et autant de trémois pour le repos de l’âme de Jacque du Thour dit Oudart et pour ses ancêtres.
Traduction du texte rédigé en latin extrait du cartulaire de l'Abbaye de Signy
En 1297 Ernoul de Beaufort chevalier, seigneur de Lalobbe et de Sery et son épouse Aalis ou Alix confirment tous les dons qui ont été précédemment faits par eux mêmes et par leurs ancêtres à l’Abbaye de Signy. Ils conservent toutefois la haute et basse justice sur la maison que les religieux détenaient à Lalobbe. De plus,ils ajoutent que les religieux, leurs sergents et leurs bêtes ne seront pas amendables en cas de dommage causé aux habitants de Lalobbe, ils devront simplement réparer les préjudices.
Texte original
Transcription du texte en vieux français avec quelques commentaires
[1] Verbe incarné : L'expression ère de l'Incarnation(ou année du verbe incarné) désigne la période qui succède à l'Incarnation de Dieu en Jésus-Christ. On l'appelle aussi ère chrétienne. La datation des années en vigueur en Occident depuis la fin du Moyen Âge procède de l'ère de l'Incarnation
[2] Indiction : À partir de 312, l’empereur Constantin Ier rendit obligatoire la mention de l'année de l’indiction, c’est-à-dire le numéro d'ordre de l’année dans le cycle (cycle de 15 années), pour qu’un acte juridique soit valide, créant un référencement des dates plus pratique que l’indication du nom des consuls de l’année. L'indiction commençait toutefois au 1er septembre, à la différence de l'année consulaire
[3] Par église, il faut comprendre à la fois l'église en tant qu'édifice religieux mais aussi revenus paroissiaux de l'église
[4] L'estoquial, ce sobriquet viendrait de « toquet » et désigne un individu trapu (Microtoponymie du défrichement dans les Ardennes Michel Tamine (première partie) p75)
[5] corporalis fides : serment que l’on prête la main tendue sur la croix, les évangiles ou les reliques
[6] La date est incertaine car non inscrite dans l’acte, mais s'insère dans une série d'actes de 1236
[7] Terrage : Droit seigneurial, redevance annuelle sur les fruits de la terre (appelé également champart)
[8] Vidimé : Certifié conforme à l’original)
[9] Bailli : Représentant du roi ou d'un seigneur, dans une circonscription où il exerce par délégation un pouvoir administratif et militaire, et surtout des attributions judiciaires, soit en première instance, soit comme juge d'appel des prévôts ou des hauts-justiciers. Les principales villes du bailliage de Vermandois sont au XVIe siècle Laon, Soissons, Noyon, Saint-Quentin, Ribemont en Thiérache, Coucy.
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