Un petit historique des élections municipales en France
C’est un abbé de Saint Germain des Prés qui utilise au IX ème siècle le mot « maior » pour désigner celui qui dirige un domaine. Au XVIII ème siècle le mot « maire » remplace le terme de « maior ». En fonction de l'époque ou du lieu, on a parlé d'échevin, de consul, de conseiller ou de syndic.
A la révolution française, le territoire français est divisé en 83 départements, chacun d’eux étant partagés en districts, les districts en cantons et les cantons en municipalités ; ainsi sont créées 44 000 municipalités (autant que de paroisses) avec à leur tête un maire et des conseillers élus.
Dans les Ardennes, on compte six districts, ébauches des futurs arrondissements :
Rocroi (13 cantons, et 72 communes)
Charleville (12 cantons et 107 communes)
Sedan ( 9 cantons et 90 communes)
Grandpré (9 cantons et 64 communes)
Vouziers (10 cantons et 83 communes)
Rethel (13 cantons et 119 communes)
La loi du 19 avril 1790 instaure «une écharpe aux trois couleurs de la nation, bleu, blanc, rouge, attachée d’un nœud, et ornée d’une frange couleur d'or pour le maire, blanche pour les officiers municipaux ».
Les seuls électeurs sont ceux qui payent un impôt au moins égal à 3 jours de travail : il s’agit d’un scrutin censitaire. Pour être élu, il faut être encore plus aisé et payer un impôt au moins égal à 10 jours de travail.
Le maire, ou agent municipal, est élu pour 2 ans et ce pour la première fois en février 1790. Le "corps municipal "est composé d’un maire ou agent municipal, d’un nombre de conseillers municipaux, fixé selon le nombre d’habitants de la commune, de notables (le double du corps municipal), d’un procureur de la commune, élu dans les mêmes conditions que le maire, chargé de requérir l’exécution des lois. Ces notables forment donc, avec le corps municipal, le Conseil général de la commune qui s’adjoint pour ses séances, au moins une fois par mois, les services d’un " Secrétaire greffier " prêtant serment comme tous les autres élus municipaux.
La municipalité dispose de pouvoirs étendus : assiette et perception de l’impôt, maintien de l’ordre et juridiction de simple police. Elle peut requérir la Garde nationale. Cette organisation fonctionnera jusqu’en 1795.
Le 20 septembre 1792, l’Assemblée législative vote le transfert des registres d’Etat civil de l'Église à l’État, substituant la notion de commune à celle de paroisse. Les actes sont désormais signés par l’Officier d’État civil.
A Lalobbe, c'est le 17 novembre 1792 que les registres d'état civil ne sont plus tenus par les curés, ainsi qu'en témoigne une mention inscrite dans les registres de l'époque :
« En vertu de la loi du 20 novembre 1792 Et sur les requesition du procureur de la commune De nous transporter chez le citoyen Pierre Ponce Vaalet curé de Lalobbe avont arrete le présent Ce jourdhuy dix sept novembe mil sept cent quatre vingt Douze »
A noter que visiblement le secrétaire a fait une erreur sur la date de la loi, il s’agit de la loi du 20 septembre et non 20 novembre !
Les formulaires d’état-civil sont donc confiés pour la première fois au maire et non plus au curé. Le responsable du registre devra être choisi pour sa compétence : savoir lire et écrire, être appliqué et consciencieux. Il sera, lui aussi, élu au suffrage universel.
Au cours de cette période agitée de notre histoire, les modalités d’élection des conseillers ou des maires seront souvent modifiées.
En 1795, le Directoire crée les municipalités de canton avec à sa tête, un président dans le chef-lieu. Au sein de chaque commune, le maire élu devient agent municipal, faisant fonction d’officier public. Ses responsabilités restent les mêmes que précédemment, sinon qu’il a obligation de participer à la municipalité cantonale dont il est le rapporteur politique pour sa communauté.
Cette situation perdure jusqu’à la promulgation de la loi du 22 pluviôse VIII (11 février 1800) qui rétablit l’administration communale. L’agent municipal porte à nouveau le nom de maire, les maires et les conseillers municipaux sont nommés par le Préfet.
A compter du 2 pluviôse an IX (22 janvier 1801), le maire est chargé seul de l’administration de la commune et les conseillers ne seront consultés que lorsqu’il le jugera utile. A partir de septembre 1802, les conseillers sont en place pour 10 ans, le maire et son adjoint, pour 5 ans, ils sont nommés par le Préfet pour les communes de moins de 5 000 habitants Ce pouvoir absolu du maire sera exercé jusqu’en 1867.
La loi du 29 juin 1820, loi «du double vote» permet aux électeurs les plus imposés de voter deux fois. Cette mesure avantage les plus riches.
De 1830 à 1848 les conseillers municipaux sont élus par les hommes de plus de 21 ans et ceux qui ont le plus de revenus. La Révolution de Juillet 1830 entraîne le remplacement de tous les maires, le temps d’élaborer une nouvelle loi municipale adoptée le 21 mars 1831. Le maire sera nommé par le Préfet et choisi obligatoirement parmi les conseillers municipaux élus. Le maire a la responsabilité de la scolarisation des enfants de sa commune. La loi de 1833 impose à nouveau un local scolaire dans la commune, le logement et l’entretien de l’instituteur.
En 1848 le suffrage universel est proclamé, tous les hommes âgés de plus de 21 ans, sans condition de ressource peuvent voter ; les conseillers qui doivent avoir plus de 25 ans élisent leur maire et leur adjoint.
En 1852 Louis Napoléon Bonaparte ne modifie pas le système d’élection des conseillers mais c’est à nouveau le Préfet qui désigne le maire et les adjoints et pas forcément parmi les conseillers élus.
A partir de 1871 c’est le système actuel qui est mis en place, système qui subira des évolutions successives, les deux principales étant le droit de vote des femmes et leur éligibilité en 1944 et le changement de l’âge de la majorité porté à 18 ans en 1974.
Les différents maires de Lalobbe depuis la révolution
Le premier maire de Lalobbe, désigné comme "officier public", Jacques Mellier signe son premier acte d'état civil le 17 novembre 1792 .
Le 18 mars 1798 (28 ventose an 6), Claude Lambert Doyen, maréchal-ferrrant de profession, signe le registre d'état civil en tant que agent municipal de Lalobbe, membre du Conseil général de la commune puis par la suite en tant que maire de la commune.
Le 31 octobre 1798, Jean François Leroy est président de l’administration municipale du canton de Wasigny dont dépend Lalobbe et signe plusieurs actes de mariage.
Le 19 juin 1800, Claude Lambert Doyen est désigné comme maire provisoire et comme maire le 19 juillet 1800 et le reste jusque fin 1807. Il est maréchal-ferrant, père de six enfants et époux d'Henriette Blondeau, la fille du maître d'école.
En 1808, Louis, Thomas Joseph Canelle de Provisy est maire jusqu'en 1810. Il est militaire (ayant obtenu son certificat de noblesse, il avait été admis à l'école militaire de la Flèche en 1778), époux de Clémentine Eléonore des Lyons. Souvent absent, les actes sont généralement signés par Nicolas Godart son adjoint.
En avril 1810, Nicolas Godart, ancien adjoint du précédent maire apparaît dans les registres en tant que maire de Lalobbe jusqu'en 1812.
François de Sales Léonard Maxime Deslyons, le propriétaire du château de Lalobbe, lui succède de 1813 à 1818. Il est le beau frère de Louis Thomas Joseph Canelle de Provisy, un des maires précédemment cités.
En juillet 1818, Nicolas Godart est à nouveau maire jusque fin 1842. Nicolas Godart était né à Lalobbe le 1 juillet 1770, il était menuisier, lors de la naissance de ses premiers enfants puis dès 1808, il apparait comme étant "propriétaire". De son premier mariage, naissent 5 enfants dont deux seront médecins, et de sa seconde union, 3 enfants dont un sera vétérinaire. Il décède à Château-Porcien le 12 juin 1860, âgé de 90 ans.
De 1843 à 1865, Seraphin Chatelin est à la tête de la commune, sa maison tient lieu de mairie. Il est cultivateur et était meunier avec son père au moulin de Lalobbe jusqu'en 1838. Il décède à Lalobbe le 2 janvier 1866, âgé e 68 ans
En septembre 1865, Jean Baptiste François Gabriel Tranchart lui succède jusqu'au 28 novembre 1874, date de son décès. Il était le patron de la filature de Lalobbe et contribua à son développement.
Jean Baptiste Alfred Chatelin, adjoint à la mairie, devient maire de Lalobbe en 1875 et le reste jusqu'en avril 1904. Il est le fils de Séraphin Chatelin et exerce la profession de marchand-épicier. Il fait partie des républicains radicaux[1] et s'oppose à la liste des "réactionnaires cléricaux[2]".
Les fêtes du 14 juillet sous le mandat de Mr Chatelin
Mr Chatelin fête l'élection de Saidi Carnot
Coupures de presse des élections de 1888 (le Petit Ardennais des 8 et16 mai)
Attaques politiques contre le maire de Lalobbe en 1889 (Le Courrier des Ardennes)
Coupure de presse élection de 1892 (le Petit Ardennais du 13 mai)
Coupures de presse des élections de 1904 (le Petit Ardennais des 11,14 et 19 mai)
Bien qu'élu conseiller municipal, Jean Baptiste Alfred Chatelin n'est pas reconduit dans son mandat de maire et c'est Arthur Fernand Lambert qui lui succède de mai 1904 à mai 1908. C'est un des patrons de la filature qu'il avait rachetée, avec son frère Tilman Lambert.
De mai 1908 à mai 1910, c'est à nouveau Jean Baptiste Alfred Chatelin, le maire de Lalobbe mais il décède en cours de mandat le 21 mai 1910.
Coupures de presse des élections de 1908, (le Petit Ardennais 15 et 22 mai 1908)
Des élections municipales ont lieu le 19 juin 1910 pour nommer un nouveau conseiller afin que le conseil municipal puisse élire le nouveau maire. C'est Honoré Peltier, précédemment adjoint qui est élu maire. Il est cultivateur à Gauditout (précédemment au Laid Trou).
Coupure de presse annonçant les élections de juin 1910 (le Petit Ardennais 10 juin 1910)
En 1912, Honoré Peltier est réélu pour un nouveau mandat de 4 ans.
Suite du décès d'Honoré Peltier en 1915, Léon Posé devient le maire de Lalobbe.
Croix de Guerre de Léon Posé (Bulletin ardennais du 25 juin 1916)
En 1915, Ernest Barlat, adjoint remplit les fonctions de maire en l'absence de Léon Posé, mobilisé au front.
Les élections prévues en 1916 n'ont pas lieu.
De 1919 à 1925, Louis Georges Hubert Robinet est maire. Il est le fils de Hubert Alfred Robinet, ancien patron de la filature de Lalobbe qui avait succédé à François Gabriel Tranchart.
De 1925 à 1945, Ernest Marquigny, ancien instituteur, est maire. Dans la presse, il est, avec son adjoint, qualifié de "radical socialiste"[3].
Coupure de presse des élections de 1925 (Le Petit Ardennais)
Coupure de presse des élections de 1929 (Le Petit Ardennais)
Alfred Grulet, adjoint au maire depuis 1919, reçoit le mérite agricole en 1932, comme le journal l'Ardennais le rapporte ci-dessous.
Décoration d'Alfred Grulet (L'Ardennais 1932)
En mars 1929, la durée des mandats de maire et conseillers passe de 4 à 6 ans et aux élections de 1935, Ernest Marquigny est réélu.
Coupures de presse élections de 1935 (Le Petit Ardennais des 3,11 et 20 mai)
En 1945, Emile Montel, contremaître à l'usine Lejay, est nommé maire en remplacement de Mr Marquigny démissionnaire pour raison de santé.
Coupure de presse nomination du nouveau maire en 1945
En 1947, Georges Dereims est élu maire, il est réélu en 1953 pour un second mandat de 6 ans.
Coupure de presse élections de 1947 et 1953 (L'Ardennais du 7 novembre 1947 et 11 mai 1953)
Il fut reconnu "Juste parmi les nations" à titre posthume
De 1959 à1965, le maire est Etienne Brice, directeur de l'Usine Lalobbe, filiale de la société Lejay fils implantée à Charleville. Durant la deuxième guerre mondiale, alors âgé de 23 ans, il fut un résistant de la première heure , il est décédé en 2006 à Reims.
Etienne Brice résistant ardennais (article paru sur le site de l'Association des Descendants Lejay-Demaison)
De 1965 à 2011, Bernard Linsart dit "Nanart"exerça six mandats. Il était né en 1933. Avec son épouse Christiane, ils tenaient l'Auberge de la Vaux. Bernard est décédé en 2017.
De mars 2001 à mars 2008, Hubert Beuret, fabricant de machines agricoles et forestières, est maire de Lalobbe.
Actuellement en 2024, le maire est Daniel Colas, ancien exploitant agricole.
Michel Beuret et Bruno Toupet sont les premier et deuxième adjoints.
Les autres conseillers sont Mme Julie Certain, Mme Louis Beuret, M. David Piquet, M. Gilles Monnois, M. Jean François Colas, M. Alexis Maes, Mme Caroline Meynier, M. Quentin Chateau.
[1] Républicains radicaux : En France, le mot radical est apparu en 1840 pour désigner les républicains hostiles à la Monarchie de Juillet. Sous le second Empire, les radicaux incarnent l'opposition républicaine réclamant un suffrage universel véritable. Ils restent cependant méfiants vis à vis des théories socialistes et défendent la propriété, garante de la liberté et de la dignité humaine. Les principaux hommes politiques radicaux sont alors Léon Gambetta (1838-1882) et Georges Clemenceau (1841-1929).
[2] Cléricaux : Le cléricalisme est un positionnement idéologique qui prône la prédominance des idées religieuses et du clergé dans la vie publique et politique.
[3] Radical socialiste : aile gauche du parti radical. Durant l’entre-deux-guerres, les idées que le parti radical défend, constituent un ensemble où se reconnaît une grande partie des Français. Tout d’abord, un attachement profond à la nation et au régime républicain, puis une conception de la République qui intègre de manière ferme voire intransigeante la laïcité, érigée comme l’un des fondements de la République, dont l’instruction dispensée par l’école est le moteur du progrès social.
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