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Outrages à magistrat, 27 messidor an 6

Dernière mise à jour : 24 mars

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On ne plaisantait pas avec le respect dû aux représentants de la nouvelle république française.


Le 27 messidor de l'an 6, soit le 15 juillet 1798, Claude Lambert Doyen, agent municipal de Lalobbe, c'est à dire le maire, donne lecture des lois et fait remarquer à ses concitoyens qu'ils ne peuvent sortir du canton sans passeport.


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Nicolas David(voir à propos de sa naissance en bas de page), scieur de long bois de Lalobbe qui assistait à cette réunion aurait pris la parole et déclaré : " On se fout de vous et de vos lois".

Devant cet "outrage" qui ne serait pas le premier, le maire décide alors d'établir un procès verbal rapportant les faits.

Procès-verbal de Claude Lambert Doyen

27 messidor an 6 Cejourd'huy vingt sept messidor sixieme annee republicaine, Je soussigné Claude Lambert Doyen agent municipal et officier de police de la commune de Lalobbe, certiffie que faisant cejour'huy vers les onze heures du matin, la lecture des lois, et arretés du departement des ardennes, à moi remis a l'administration municipal du canton de Vuasigny le vingt cinq du present, laditte lecture, fait au lieu et heure ordinaire dans laditte commune, est survenu le nommé Nicolas David scieur de long bois demeurant à Lalobbe, lequel pendant la lecture que je faisais de la loy du dix vendemiaire an quatre sur la police interieur des communes de la Republique et de larresté du departement des Ardennes qui se trouve au bas; faisant lecture de larticle six du titre trois de laditte loi, le soussigné observa à ces concitoyens qui assitaient à la ditte lecture, qu'ils ne pouvaient sortir de leur canton sans passeport. Au même instant ledit Nicolas David, addressoit la parole à nous agent, dit que « lon se foutait de vous et de vos lois ». Je lui ai observé que voila plusieurs fois quil nous tenait ce l'angage, l'or des différentes lectures des loix et arrestés, mais que cette foiscy j'en dresserais procès verbal. De tout ce que dessus jai fait et dressé le présent proces verbal les jour et an que de dessus une de relevé. Deux mots rayés nul d'autre part .//.
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Mais on n'en reste pas là. L'affaire devient sérieuse. Une procédure criminelle est instruite par le Juge de Paix de Wasigny pour injure envers le gouvernement et Nicolas David est poursuivi par le Tribunal correctionnel de Rethel.


Le 17 thermidor de l'an 6 soit le 4 août 1798, un mandat d'amener est prononcé par Pierre Cailteaux juge de paix et officier public judiciaire du canton de Wasigny à l'encontre de Nicolas David, auquel l'huissier de Justice Simon Thieron notifie une copie le 19 thermidor.

Mandat d'amener

17 Thermidor an 6 Mandat d'amener De par laloy Pierre Cailteaux juge de paix et officier public judiciaire du canton de Vuasigny departement des Ardennes mandons et ordonnons à tous ceux.....de mandement de justice d'amener pardevant nous, en se conformant à laloy Nicolas David scieur de long bois demeurant à Lalobbe, agé denviron trente huit ans, taille de cinq pieds deux pouces, cheveux chatains pour etre entendu sur l inculpation dont ledit Nicolas David est prevenu. Requerons tous depositaires de la force publique de preter main forte en cas de necessité pour lexecution du présent mandat à Vuasigny ce dix sept thermidor sixieme anné republicaine.
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La procédure est rondement menée et le 20 thermidor, Nicolas David comparait devant le juge de paix qui procède à son interrogatoire. Il est non seulement questionné sur les faits rapportés par le maire mais également au sujet d'un autre affaire mettant en cause son beau-frère, Joseph Baudouin, bûcheron à la Besace, auquel il avait vendu des planches alors qu'il ne possédait pas de patente le lui permettant.

Interrogatoire du 20 Thermidor

Cejourdhuy vingt thermidor sixieme annee republicaine les six heures du matin Pardevant nous Pierre Cailteaux juge de paix et officier de police judiciaire du canton de Vuasigny y demt etant en notre demeure, departement des ardennes assisté de notre greffier ordinaire. Est comparu Nicolas David scieur de long bois demt a Lalobbe, lequel a dit que pour satisfaire a notre mandat d'amener du dix sept de ce mois à lui notiffié le jour dhier par Thieron notre huissier, il se presentoit devant nous pour etre entendu sur les inculpations quil peut être prevenu. A l'instant, il lui a eté fait lecture du proces verbal dresse par l'agent municipal de la commune de la lobbe du 27 messidor dernier et ensuitte il a subi interrogatoire ainsi quil suit Interrogé de son nom prenon, age qualité et demeure A repondu s'appeller Nicolas David scieur de long agé de quarante six ans demeurant a Lalobbe Interrogé sil ne sait pas trouvé le vingt sept messidor dernier à la lecture des lois et arrestés du departement que l'agent de Lalobbe donnoit a ses concitoyens de laditte commune A repondu que oui Interrogé s'il a eté provoqué par ledit agent A répondu que non Interrogé si dans le temps de la lecture de la loy quil faisoit et de l'arresté énoncé audit procès verbal il n'a pas interrompu en disant à l'agent que l'on se foutoit d'eux et de leurs lois A répondu quil n'a pas tenu ses propos là, sinon quil ne le faisoit pas parce que cela lui etoit interressant qu'un citoyen sur la deffense que l'agent faisoit de la chasse dit qu'il iroit l'apres midi et quil lui observa verite comme on l'écoutera ??? Interrogé si'l n'a pas tenu les memes propos audit agent lors des differentes lecture de lois et arresté quil a faite dans laditte commune anterieurement a lepoque du vingt sept messidor an six A repondu que jamais il n'a rien dit Interrogé de nous declarer la personne qui a dit quil iroit a la chasse l'après midi dudit jour vingt sept messidor dernier A repondu que cétoit Charles Druard dit la Fiole forgeron a Lalobbe ............................ Dans la marge : Note Voir le procès verbal de lagent du cinq thermidor an 6 Instruction contre Joseph Baudoin ....................... Interrogé sil etoit marchand de planches A repondu que oui Interrogé a quel epoque il a fait ses dernieres planches A repondu quil y a environ sept a huit mois Interrogé sil est muni de patente ou sil a fait sa declaration pour obtenir patente titre de marchand de planches A repondu que quand il achete du bois en hiver pour faire des sabots à son usage et quil lui reste quelques trognes de bois il les converti en planches Interrogé sil na pas vendu des planche de bois à Joseph Baudoin son beau frere bucheron demt à la Besace commune de Lalobbe A repondu que oui Interrogé a quel époque il lui a vendu et livré ses planches A repondu quil ne saurait le dire aujuste, quil ne scait sil a marqué la datte que si on lui avoit eu demandé, il auroit pris garde a cela, que son frere ne lui a point parler lui meme sans cela il auroit enpris? la datte et il auroit eu le temps (il aurait noté la date et aurait pu la donner) Interrogé combien il lui a vendu de planches A repondu quil lui en avoit vendu treize ou quatorze Interrogé de quelles longueurs elles étoient A repondu qu il y en avoit cinq a six de six pieds, une de cinq mais ne scauroit dire combien il y en a de huit et de neuf pieds Interrogé sil a reçu le prix de ses planches A repondu quil en a reçu le prix en marchandises en fond (?) Interrogé si ses planches ont été enlevées de chez lui par Baudouin avec voiture A repondu que non, quil les avoit reporté ....et en plein midi, Interrogé sil signera ses reponses aux interrogations cy dessus A repondu que oui et a signe lecture faite, deux mots rayes nuls .:. N David Nous Juge de paix et officier de police judiciaire considerant quil y a eu voye de fait envers lagent de la commune de Lalobbe et envers la loi, lecture faite de l'article dix neuf du troisieme genre de delit de la loi du 19e jullet 1791 v.St disons qu'il sera par nous delivré mandat d'arret contre ledit David pour etre conduit a la maison d'arret de la police correctionnelle sceante a Rethel. De tout ce que dessu nous avons fait et dressé le present procès verbal que nous avons signé avec notre greffier les jour et an que dessus ./.
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Un mandat d'arrêt est prononcé contre Nicolas David qui doit être conduit à la maison d'arrêt de Rethel et le juge de paix transmet le dossier au "Directeur du Juri près le tribunal de police correctionnel sceant a Rethel" en lui précisant : "Je vous previens aussi qu'a l'instant ou je dressois mon mandat d'arrest contre David, il s'est evadé des main du citoyen Freal commandant la garde du canton".

Mandat d'arrêt

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De par la loi Pierre Cailteaux juge de paix et officier de police judiciaire du canton de Wasigny y demeurant departemenet des ardennes en vertu de l'article dix neuf troisieme genre de delit de la loi du dix neuf juillet 1791 V.St. et de l'article soixante dix du code des délits et des peines, mandons et ordonnons à tous en vertu de mandement de justice de conduire à la maison d'arrest du tribunal de police correctionnelle sceante à Rethel Nicolas David scieur de long bois demeurant à Lalobbe, prévenu d'outrages faits à l'agent de la commune de Lalobbe lors de la lecture des lois. Mandons au gardien de laditte maison d'arrest de le recevoir le tout en se conformant à la loi. Requerons tous depositaires de la force publique auquel le present mandat sera notifié de preter main forte en cas de necessité. A Wasigny ce vingt thermidor sixieme année republicaine et avons signé après avoir apposé le sceau de cette justice de paix./. Cailteaux

Le lendemain 21 thermidor, Nicolas David est conduit à la maison d'arrêt de Rethel par Claude Etienne Prudhomme, huissier de justice. Le même jour Nicolas David est présenté devant le Jacques Philippe Dommanget, juge et directeur du jury d'accusation de l'arrondissement de Rethel qui procède à un nouvel interrogatoire. Nicolas David précise les raisons qui l'ont amené à intervenir lors de la lecture des lois et nie toute intention d'injurier le gouvernement :

Interrogatoire du 21 Thermidor

Cejourd huy vingt et un thermidor l'an six de la république francaise une et indivisible Devant nous Jacques Philippe Dommanget juge et directeur du juri d'accusation de l'arrondissement de Rethel etant dans la chambre ordinaire du conseil de l'auditoire du tribunal de la police correctionnelle assisté de notre greffier. Avons fait extraire de la maison d'arrêt de cette commune Nicolas David scieur de long bois demt a la Lobbe, y detenu en vertu du mandat d'arrêt decerné contre luy par le juge de paix officier de police judiciaire du canton de Wasigny en date du vingt de ce mois, pour être entendu sur les faits et circonstances relatifs au delit dont s'agit et avons reçu sa declaration libre ainsi quil suit. Vos nom surnom age profession et demeure. Nicolas David scieur de long bois demt a la Lobbe agé de quarante six ans Netiez vous pas à la lecture des loix le 27 messidor dernier Oui j y etois Navez vous pas eu une dispute avec l'agent national Non Dites nous ce qui s'est passé On avoit chassé dans mes empouilles j'êtois indigné de ce que les chasseur ne respectoient pas d'avantage les propriétés. Ce jour là, on lisoit un arrêté du departement qui ramenois (rappeler) les ceux aux loix sur la police de la pêche. Je pris de là, occasion de dire, « on enfond toujours quà sa tête, on ne t'ecoutera pas »,. Ce netois pas par mépris de la loy que je disois. C'étoit par regrêt de ce quelle netoit pas executé et que j avois a m'en plaindre. Je n'avois pas desir de provoquer la desobeissance mais de faire connoittre quil falloit prendre des mesures pour amener les ceux a l exécution des loix. A l'instant de la publicaton dont on parle, un nommé Druart parent de l'agent a dit a l'instant « j'irai a la chasse dès cet après midy ». Sur quoi j'ai fait lobservation a l'agent en lui disant « tiens vois tu bien qu'on t'ecoute pas ». Lecture a lui faite de sa declaration a dit quelle contient verité y a persisté et a signé avec nous et notre greffier Vuillemet

Malgré ses éclaircissements, Nicolas David est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Rethel pour y être jugé. On ne connait pas la sentence, les archives du tribunal étant très parcellaires.


Toujours est-il que Nicolas David, s'il fit de la prison, n'y resta pas bien longtemps. On le retrouve à Lalobbe en 1800 où il déclare la même année la naissance de deux filles une en janvier et l'autre en décembre. Epoux de Jeanne Margueritte Baudouin, il était père de neuf enfants dont quatre décédèrent avant l'âge de 6 ans. Il décèda à Lalobbe le 19 août 1809 à trois heures du matin.



Pour conclure, on peut dire que la récente Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pouvait être "interprétée". Malgré l'article 11, Nicolas David est poursuivi et les juges semblent avoir considéré qu'il avait abusé de cette liberté que lui conférait l'article !


"La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi" .

Nicolas David bien qu'enfant naturel de Marie Jeanne dite Nicole Philippot portait le nom de son père, Henry David.


Il est noté dans la table d'un registre paroissial de l'année 1751 :

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le 27 juillet Nicolas Philippot batard de Henry David

Extrait de son acte de naissance "L’an 1751 le 27e juillet est né à La Lobbe le fils de Marie Jeanne dite Nicole Jeanne Philippot fille de Jean Phillipot et de Jeanne Meunier ses pere et mere, auquel on a imposé le nom de Nicolas...[...]...Lequel enfant cy dessus denomé provient d’un père inconnu. Mais par signification faite a moy Fr Carbon curé de La Lobbe, ci dessus dénomé, par Jacques Brouhet huissier royal immatriculé en Vitry et Vermandois le dit jour d’administrer le sacrement de baptême au fils de la ditte Marie Jeanne Philippot, progréé(procréer) des oeuvres de Henry David garçon fils de Nicolas David son père, suivant ses déclaration et plaintes rapportées en sa requette et ordonnance ce jourdhuy 27e dudit mois." .

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