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Testament en 1241 de Guy de Sery, seigneur de Lalobbe et de son épouse Cécile

Dernière mise à jour : 1 nov.

Plusieurs actes font état de ce testament. Le plus complet est celui du cartulaire de l'Abbaye St Martin de Laon. A remarquer qu'il est daté de 1261 alors que les autres documents sont daté de 1241 (erreur du moine copiste ?).


Le texte entièrement rédigé en latin a été traduit avec l'aide d'Armand Dumont et Sandy Andriant, de l'association FranceGenWeb (section "Traduction-Latin").


Trois "Guy de Sery" furent seigneurs de Sery et de Lalobbe en partie. Guy ou Guiot (le 3ème) était le fils de Gui le 2ème et de Anfelise, laquelle est encore en vie au moment de la rédaction de ce testament par son fils et sa belle fille. Guy le 3ème avait épousé Cécile, laquelle après le décès de son mari, épousera en secondes noces Arnoul 1er de Beaufort qui deviendra à son tour seigneur de Sery et Lalobbe.



Dispositions du testament concernant la paroisse de Lalobbe


Guy et son épouse font de nombreux legs parmi lesquels plusieurs sont destinés à la paroisse de Lalobbe, à Saint Nicolas (prieuré et exploitation agricole) et à ses habitants.


Guy de Sery veut qu’une chapellenie[1] soit établie dans sa demeure de Lalobbe avec un chapelain perpétuel auquel il assure les subsides nécessaires à sa fonction, rentes, blé, avoine, seigle, vins blancs et rouges, du bois pour se construire une chambre à coucher et la chauffer.


Traduction d'extraits du texte rédigé en latin

Souhaite aussi qu'il y ait une chapelle perpétuelle dans sa maison de Lalobbe, et qu'un chapelain perpétuel qui habite sur la taille[2] perpétuelle de Lalobbe soit doté de dix-huit livres et quatre sols parisis[3], à prendre sur les terrages[4] de Séry, un muid[5] de concial[6] composé pour moitié de froment et moitié d'avoine, quatre quartelles[5] de plus par setier[5], un muid de seigle à Nanteuil sur ses terrages, sept muids de vin à Lausnois, trois blancs et quatre rouges, et l'usage, pour lui-même et sa famille, d’autant de bois à couper que nécessaire pour construire sa chambre à coucher au lieudit de Lalobbe et la chauffer ; et s’il ne le coupe pas, il ne pourra prétendre en rien à ce qui précède, ni réclamer quoi que ce soit.

Guy lègue du blé à l’église St Nicolas (le prieuré) à prendre sur le moulin de Lalobbe ainsi qu’une rente perpétuelle de trois sols. A l’église de Lalobbe, il lègue une rente perpétuelle pour financer l’éclairage de l’église et fait un don au prêtre de Lalobbe.


Traduction d'extraits du texte rédigé en latin

De même, il lègue à l'église Saint-Nicolas de Lalobbe trois setiers blé d'été à prendre à perpétuité  au moulin de Lalobbe. De même, il lègue à perpétuité à l'église paroissiale de Lalobbe trois sols pour les luminaires, à prendre sur les neuf livres de Lalobbe qui sont dues à la fête de Saint-Remy, de même, trois sols pour l'église de Séry pour les luminaires à prendre perpétuellement au cens[2b] des prés à la mi-mai dans l'église Saint-Nicolas & trois sols à prélever à perpétuité sur les revenus de la même exploitation agricole.
[...] au prêtre de Lalobbe, quarante sols de monnaie forte

Quant à son épouse, Cécile, elle demande qu’un cierge "ardent" soit financé sur la taille de dix huit livres qui est due par Lalobbe. Elle donne à l’église St Nicolas du froment à prendre au moulin de Lalobbe et lègue à l’église de Lalobbe quarante sols ainsi qu'un setier de blé et d’avoine. Elle fait un don pour les oeuvres[7]de l’Eglise et au curé de Lalobbe. Enfin elle donne sa cape de Perse[8] pour vêtir les femmes de Lalobbe lors de la cérémonie des relevailles (voir ci-dessous les rites liés aux relevailles).


Traduction d'extraits du texte rédigé en latin

A l'église de Lalobbe, un cierge ardent devra être pris à perpétuité sur les dix huit livres de Lalobbe qui leur appartiennent au titre de la taille due chaque année, et de même un cierge à l'église de Sery. - A l'église Saint-Nicolas de Lalobbe, à prendre sur le moulin de Lalobbe un setier de froment pour l'huile. - Pour les oeuvres de l'église Lalobbe, vingt sols - Pour les oeuvres de l'église de Lalobbe, vingt sols - Au prêtre de Lalobbe, quinze sols - sa cape de perse pour en revêtir les épouses de Lalobbe à l’occasion de la cérémonie des relevailles
 

La cérémonie des relevailles


Dans la Bible, on peut lire que la femme qui a enfanté un fils, sera impure pendant sept jours. Après la circoncision de son fils, elle restera impure trente-trois jours, au total donc quarante jours. Si elle a enfanté une fille, elle sera impure pendant deux semaines et soixante-six jours, en total quatre-vingt jours. Pendant la période de son impureté, il lui est défendue de toucher des choses saintes et d'aller au sanctuaire.


Les jours de l'impureté comptaient au Moyen Age environ un mois mais ne dépendaient pas du sexe de l'enfant. Durant  cette période, la mère se voyait interdite de s’adonner à ses activités habituelles. Ce qui était facilement respecté par les plus riches, ne l’était pas pour les plus pauvres, notamment dans les milieux ruraux où il y avait grand besoin de main-d'œuvre.


Le jour des relevailles, la femme mettait une robe, tantôt neuve, tantôt léguée. (d'où le don fait par Cécile de Sery aux femmes de Lalobbe). Dans cette nouvelle robe, elle allait au parvis, accompagnée de la marraine du nouveau-né. Quand les cloches commençaient à sonner, la marraine appelait la jeune mère afin qu'elle entre dans l'église pour entendre la messe.


La femme se mettait à genoux au parvis et recevait la bénédiction du prêtre, qui l'aidait à se relever – les vraies relevailles – et qui lui autorisait l’entrée de l'église. A partir de ce moment, la femme faisait de nouveau partie de la société chrétienne.


Le prêtre, pendant la messe, faisait des signes de croix sur les lèvres, le sein et les reins de la femme, il mettait les mains sur l'enfant et la femme en leur souhaitant la force et la vertu et il lisait des Évangiles.


Après cela, la femme baisait la croix qui se trouvait sur l'étole du prêtre. De plus, elle brûlait un cierge en l'honneur de Marie, pour la remercier de la fin heureuse de l'enfantement.


La femme pouvait subir le rituel de purification seulement dans sa propre paroisse et seulement sous la direction de son propre prêtre.


Après cet événement de fête ou le lendemain après la messe, une grande fête était organisée pour les amis et la famille. Les gens sans bourse bien garnie participaient aussi à ces festivités. On mangeait et buvait beaucoup. Ainsi la célébration d'une naissance et des relevailles était-elle un vrai événement de collectivité.


(Documentation extraite de : "Un accouchement médiéval" Mémoire de fin d'études de langue et de culture françaises par Anke Talina van der Weij Université d'Utrecht, Juillet 2006 - L’histoire des mères du Moyen-Age à nos jours, Knibiehler, Y. & Fouquet, C.,Éditions Montalba, 1980, p. 221)


 

Quelques dispositions du testament de Guy de Sery nous rappellent que les tournois et les guerres étaient bien présents.

"[...] Il souhaite également que six livres parisis soient payées au seigneur Jean de Casiata pour un cheval qu’il lui a pris pour les besoins d’un tournoi. [...] De même, il lègue à l’église de Reims, son meilleur cheval, avec toute son armure de guerre, à l’église Saint Nicaise, par charité, un palefroi[9], [...] pour les oeuvres de l'église Saint Eloi de Noyon son armure de tournoi, à Guietto le fils de Messire Jacques son haubert[10] et sa cotte de maille [...]"

Avec les legs de Cécile son épouse, on découvre une partie de sa garde-robe.

"[...] A Robert son serviteur et à son épouse son manteau fourré - A l'église de Séry, un tissu de soie pour faire une chasuble, à l'église - A sa demoiselle Hawis, la totalité de son vêtement en brunette[11] - A l’épouse d’Isembard son surcot[12] d’écarlate[13], - A Vinburde son surcot en poil de chameau - A Alison sa fille une grande pelisse[14] une chemise - A la femme de Arnoul Le Chaives son surcot de perse - A l’épouse de Le Cocque, sa cape [...]."

(Codex Constance – XIIIème siècle. L'homme et la femme sont tous deux vêtus d'une cotte et d'un surcot sans manches. Celui de l'homme est bordé de fourrure à l'emmanchure.)



Pour découvrir l'intégralité du testament


Texte en latin

Traduction

 

[1] Chapellenie : Oratoire, autel installé dans une église ou dans la demeure des nobles, avec un service religieux spécifique attaché à ce lieu de culte privé. L'acte de fondation d'une chapellenie devait être agréé par l'évêque diocésain qui, sur la présentation du fondateur ou de ses héritiers nommait par un acte appelé provision, la personne ecclésiastique, le chapelain qui devait, en jouissant des revenus fixés par l'acte de fondation, assurer par lui-même ou par un autre prêtre, le service des messes et accomplir les conditions minutieusement établies. Il suffisait d'être clerc tonsuré pour être désigné à l'un de ces bénéfices qui était ordinairement sans charge d'âmes. Très souvent le chapelain nommé était un parent de la famille qui transmettait ainsi à l'un des siens les biens consacrés au souvenir des membres défunts. La prise de possession de ces chapellenies se faisait solennellement.

[2] Taille : Imposition levée sur les personnes ou sur les biens, longtemps perçue par les seigneurs sur leurs serfs et censitaires (ceux qui sont assujettis au paiement du cens, impôt dû au seigneur). Parfois aussi levée par les seigneurs pour le compte du roi, la taille devint au 15e siècle uniquement royale et permanente, constituant alors une des principales ressources du budget

[3] Parisis : La livre parisis (ou livre de Paris) était une monnaie de compte utilisée en France à partir du Moyen Âge et jusqu'au XVIIe siècle, en référence aux espèces monétaires fabriquées par l'atelier de Paris. Le sol ou sou : Unité monétaire valant le vingtième de la livre

[4] Terrage : Droit seigneurial, redevance annuelle sur les fruits de la terre (appelé également champart)

[5] Muid, quartelle, setier : ancienne mesure de capacité pour les céréales et les liquides

[6] Concial ou conseel : Méteil, mélange de blé et de seigle ou bien d'avoine et de seigle

[2b] Cens : Au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, jusqu'à la Révolution, le cens désigne une redevance fixe en argent ou en nature, payée par le paysan au seigneur en contrepartie de la concession d'une terre (tenure ou censive).

[7Oeuvres de l’église : Revenus affectés à la construction, à l'entretien, aux réparations des bâtiments d'un édifice religieux

[8Perse :Étoffe de couleur bleue tirant sur le violet

[9] Palefroi : Cheval de parade (par opposition au destrier, cheval de combat)

[10] Haubert : Longue chemise en mailles d'acier tissées, munie de manches, d'un gorgerin (Partie inférieure d'un casque d'armure servant à protéger le cou) et d'un capuchon, que portaient les chevaliers au Moyen Âge lorsqu'ils combattaient.

[11] Brunette : Étoffe précieuse, généralement brune, en usage au Moyen Âge

[12] Surcot : Vêtement court de dessus, porté par les hommes et les femmes. À partir du XIIe siècle environ, les chevaliers portaient par-dessus leur armure de longs et amples surcots, souvent ornés de leurs armes personnelles. Ils s'étendaient généralement jusqu'à mi-mollet, comportaient des fentes à l'avant et à l'arrière, ce qui permettait au porteur de chevaucher confortablement, et pouvaient avoir des manches. Les femmes ont commencé à porter des surcots au XIIIe siècle, avec ou sans manches.

[13] Ecarlate : Etoffe précieuse de couleur rouge vif

[14] Pelisse : Manteau doublé ou garni de fourrure.

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