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La dîme, un impôt convoité, source de conflits.

catherinepaulus

Dernière mise à jour : 22 mars

La dîme créée dès le 4ème siècle était un impôt obligatoire, levé par et pour le Clergé, correspondant à une certaine part de la récolte, variable selon les régions de France, les évêchés, les paroisses d'un même évêché...


Cet impôt était utilisé pour l'entretien des prêtres, des bâtiments de l'église et le financement des oeuvres d'assistance aux pauvres, création et financement des écoles...



La dîme était prélevée sur tous les produits des champs et des jardins, sur les produits du bétail, sur les profits de la pêche et des moulins à eau et à vent, sur les bénéfices du commerce, de l’industrie, de la chasse. Mais très vite ces dîmes furent restreintes aux dîmes réelles portant sur les fruits de la terre et des troupeaux.

On distinguait les grosses dîmes sur les revenus les plus importants (froment, seigle, orge, avoine et vin), les menues dîmes sur les légumes et les fruits des arbres et les dîmes sur l'augmentation des troupeaux



La dîme, contrairement à son nom, était loin d’être toujours la dixième partie des fruits de la terre. Elle était affaire de coutume et variait en un même lieu d’un produit à un autre. La dîme était non portable, mais quérable, c’est à dire que le décimateur(*) allait chercher le produit de la dîme aux champs, au pressoir, au cellier ou à l’étable. Il lui fallait donc avoir recours à un « chercheur de dîme ». Les décimateurs ou leurs receveurs devaient être prévenus du jour de la moisson et l’enlèvement des gerbes ne se faisait qu’après distraction de celles qui leur revenaient.

(*) Ecclésiastique, parfois laïque, à qui revenait le bénéfice de la dîme levée sur une paroisse et qui, en retour, devait participer aux frais d'entretien de la paroisse




Souvent, la dîme était détournée au profit d’un gros décimateur (évêque, chapitre de chanoines ou communauté religieuse, voire laïc)  et le curé ne touchait plus alors qu’une petite partie du prélèvement, la portion congrue.




Pour la perception, les curés préférant être payés en argent, ils affermaient à des particuliers le soin de collecter la dîme. Ces baux étaient passés devant notaire pour des temps, conditions et sommes variables. Le preneur s'appropriait le fruit de la dîme moyennant une redevance annuelle versée soit en nature, soit en monnaie, au curé. Si l'accord passé avait été bon, les bénéfices étaient pour le preneur.


 

Quelques conflits et leurs résolutions


1204, une période médiévale où les seigneurs locaux entraient souvent en conflit avec l'Église à propos des propriétés et des revenus ecclésiastiques.

Guy de Sery et son épouse Ida reconnaissent avoir injustement détenu l'église de Lalobbe et ses dîmes alors qu'elles appartenaient à l'Abbaye de Saint-Martin de Laon. Ils restituent ces biens librement.

Pour garantir l'authenticité de cette restitution, le document est scellé et signé par plusieurs témoins, dont des prêtres et un convers. Les sceaux apposés sur le document étaient une marque d'authenticité et d'autorité. Ils servaient à valider les actes légaux et à garantir leur intégrité.

Traduction du texte rédigé en latin

1225, un conflit éclate entre l’abbaye Saint Martin de Laon, dont dépendait l'église de Lalobbe et l’abbaye de Signy au sujet de la perception de la dîme.


Le différend est résolu par un processus d'arbitrage impliquant des personnalités religieuses respectées. Les arbitres initiaux, ne pouvant s'accorder, il est décidé d'en ajouter deux autres pour parvenir à une décision.


Il est décidé que l’abbaye de Signy percevra la totalité de la dîme pour ses terres jusqu'aux bornes qui ont été posées pour séparer les deux territoires de Signy et Lalobbe.


Quant aux terres de Lalobbe, Frère Hugues, le cellerier(*) de l’Abbaye de Signy, propose un accord qui distingue les terres essartées (défrichées) de celles qui ne le sont pas. Sur les terres déjà essartées du territoire de Lalobbe, la dîme sera prélevée par l'abbaye de Signy et sur les terres à défricher de Lalobbe, l'abbaye de Signy renonce à ses droits de dîme.


*) Cellerier : Religieux préposé à l'intendance dans un monastère, un couvent

Traduction d'extraits du texte rédigé en latin



1238-1240, Nouveau litige concernant la perception de la dîme


Un jugement est rendu par Gérard, doyen chanoine de Maubeuge, délégué par le Pape pour résoudre le conflit entre l'église de Saint-Martin de Laon et Ponsard de Lalobbe. Le texte ne dit pas s'il s'agit d'un religieux ou d'un laïc.


L'abbaye Saint-Martin de Laon accuse Ponsard de Lalobbe d'avoir perçu la dîme en 1238 dans la ville de Lalobbe, contre la volonté et la juridiction de l'Eglise, laquelle demande la restitution de cette dîme et exige qu'à l'avenir, Ponsard ne s'oppose plus à sa perception.


Le document décrit une procédure judiciaire rigoureuse, incluant des serments, des confessions, des positions, des réponses et des conclusions. Le jugement est rendu après avoir pris conseil auprès de "bons hommes" et en observant l'ordre juridique.


Finalement, Ponsard de Lalobbe est condamné à restituer la dîme perçue et à ne plus s'opposer à sa perception par l'abbaye de Saint-Martin de Laon. Le document est authentifié par le sceau de Gérard et daté du jeudi avant les Rameaux de l'année 1240.

Traduction du texte rédigé en latin



1285 Malgré l'accord passé en 1225, la perception de la dîme est toujours source de conflit entre Lalobbe et Signy.


Le conflit porte sur la perception des dîmes dans le territoire de Lalobbe, qui est partagé entre Signy et le prêtre curé de Lalobbe. Les dissensions fréquentes ont nécessité une intervention pour clarifier les droits de chacun.


L'ordonnance stipule que les religieux de Signy percevront intégralement les dîmes dans le territoire jusqu'aux bornes qui le délimitent, tandis que le prêtre curé de Lalobbe percevra les dîmes dans le territoire en dehors de ces bornes. En contrepartie, le prêtre devra rendre chaque année deux setiers de froment et deux d'avoine à Signy.


Les deux parties reconnaissent l'ordonnance comme raisonnable et s'engagent à la respecter de bonne foi, promettant de ne pas revenir sur cet accord à l'avenir. Le document est authentifié par le sceau de la cour de l'Archidiacre de Reims, il est daté du lendemain de la Résurrection du Seigneur de l'année 1285.

Traduction du texte rédigé en latin



1568 Toujours des désaccords entre Signy et Lalobbe quant à la perception de la dîme


Par une requête adressée au cardinal de Bourbon, abbé de l'abbaye de Signy, frère Nicol Moussette, curé de Lalobbe demande que les dîmes perçues par les fermiers de l'abbaye sur certaines terres de Lalobbe, y compris les terres novales (terres récemment mises en culture) lui soient attribuées sa vie durant, et demande l'octroi de quelques avantages En échange, il s'engage à payer une somme annuelle de 25 livres tournois à l'abbaye.

Requeste [………] pour reverendissime et illustrissime cardinal de [Bourbon Monseigneur reverendissime et illustrissime cardinal de Bourbon ou…… son viccaire en son abbaye de Signy, remonstre en toute humilité frere Nicolle Mousset curé de Lalobbe que les fermiers de vostre abbaye de Signy, a cause de votre dicte abbaye, [prélèvent ?] leurs dixmes tant grosses que menues, en ung triage et grande partye de terre dudit Lalobbe, sur les terres novalles (cultivées depuis peu) appartenantes de droict commun audit curé, Ce consideré, Monseigneur, vous plaise sans diminution de revenu de votre dicte abbaye, laisser audit curé sa vie durant : lesdictes dixmes, avec permission de mecttre pasturer six bestes vachines et six porcques, en bois et forrestz dudict Signy. Et prendre par chascun an pour son chauffage, en bois mortz et abbattus en ladicte forrest : six cordes de buches, en payant pour ce a vostredicte eglise et abbaye le deubz accoustumé quy est par chascun an, au terme de Sainct Martin dhiver : xxv lt tz (25 livres tz). Ce faisant, sera ledict suppliant tenu prier Dieu pour votre prosperité et sancté.

L'abbaye donne son accord et un bail à ferme et d'amodiation (concession de terres) est passé devant notaire. Moussette obtient le droit de percevoir les dîmes sur les terres de Lalobbe, appartenant à l'abbaye de Signy, pour sa vie durant, contre paiement de 25 livres tournois, chaque année à la fête de la Saint-Martin d'hiver.

Du troiziesme jour de decembre mil cinq cens soixante huict, ce jourdhuy……………, par devant nous Valentin Gobat lieutenant general de Monsieur le bailly de Signy, estant audict Signy, est comparu frere Nicolle Mousset quy nous a remonstré que sur la requeste par luy presentée a Monseigneur ou son viccaire et à luy accordée du vingt sixiesme jour de septembre dernier, les dixmes que labbaye de Signy prend et loue en certain triaige au terroir de Lalobbe dont ledict Mousset en est curé, luy soict delaissée sa vie durant aux conditions portés par la responce a ladicte requeste.

Nicolle Moussette présente Jehan Denoyville l'aîné comme caution pour garantir le paiement de la redevance annuelle.

Et pour plus de sureté de la susdicte redebvance, auroit icelluy preneur presenté pour caution : Jehan Denoyville laisné, praticien demeurant audict Lalobbe. Lequel ayant oy (ouï) lecture du contenu cy dessus, cest – avec Mousset – rendu caution pour ladicte somme de xxv lt tz (25 livres tz) par chascun an, pour le temps que dessus et au jour y declairé.

Les avantages qu'il sollicitait lui sont également octroyés : il peut prendre six cordes de bûches de bois pour son chauffage et faire pâturer six vaches et six porcs sur les terres de l'abbaye, sous certaines conditions.

Et pourra prendre ledit Mousset, pour son chauffage, par chascung an, en boys mortz et tailly de la forest dudit Signy : six cordes de busches. Et mectra pasturer six bestes vaches, hors les taillis dessus de sept ans, et en temps de paisson(*) : six porcqes

(*) période où les glands et faines jonchent le sol des forêts


Le 17 décembre 1568, Le curé Moussette passe un accord avec Jehan de Noyville, praticien(homme de loi) de Lalobbe et fait bail à Noyville de la moitié des dîmes et des profits. Noyville s'engage à payer à Mousset chaque année à la Saint-Martin d'hiver, la somme de douze livres dix sols tournois. Le contrat est signé à la Cense Saint Nicolas appartenant à l'abbaye de Signy et sur laquelle le curé de Lalobbe reconnait ne pas bénéficier des droits de dîme.

Comparant frere Nicol Mousset prebtre curé de la Lobbe, y demeurant, dune part et Jehan de Noyville lesnel(l’aîné) praticien demeurant audict Lalobbe. Et recougnurent estre d’accord, par la forme et maniere cy apres declairé. Scavoir que des dixmes grosses et menues, ce jourdhuy prinse(prises) par admodiation par ledict Mousset, de Monseigneur le reverendissime cardinal de Bourbon, à cause de son abbaye de Signy, quil a droict de prendre en ung triage dudict Lalobbe, vulgairement appellé le dismaige de Signy, pour la vie de luy preneur, à la caution dudict Noyville, auroict ledict Mousset promis acquicter et indempniser ledit Sr Noyville de la promesse que a raison de ce que dessus, il auroit faict. De sorte quil en aura esté dedomaigé, en sorte et fasson que ce soyt, ores et a ladvenir. Et sy plus auroit ledict Moussette faict bail audict de Noyville, ce acceptant, de moictié en toutes les dictes dixmes, prouffictz(profits) dicelles, sans aulcune chose exepter, pour en jouir la vie durant dudict Mousset, par ledict de Noyville – comme dessus est dict – a commencer dès huy, dacte de ces presantes, et continuer suivant ce que dict est. Et de rendre et payer par ledict de Noyville audict Mousset bailleur ou au porteur, au jour de Sainct Martin dhiver, par chascun an du temps que dessus : douze livres dix solz tz. [...] Sy comme, &. Promettans, &. Obligeans&. renonceans, & Sur les terres de Sainct Nicolas, cense dudict Signy, le dix septiesme jour de decembre mil cinq cens soixante huict, pardevant nous nottaires royaulx

Les textes originaux ont été extraits de la liasse H215 conservée aux AD 08. Transcription effectuée par Françoise, bénévole de France Genweb

Entre 1622 et 1636, Le curé de Lalobbe, Nicolas Anceau eut de nombreux démêlés avec l'abbaye de Signy pour faire valoir ses droits de dîmes. Voir publication : Le prieuré de St Nicolas


Au 18ème siècle, la perception de la dîme est déléguée à des laïcs et des actes notariés sont passés en l'étude de Me Destrée, notaire à Signy l'Abbaye.


En 1740, les religieux de Signy délèguent leurs droits de dîmes qu'ils possédaient sur une partie du territoire de Lalobbe à Louis Fournier, voiturier demeurant à Lalobbe et à sa femme Catherine Godart. Le territoire "décimable" est précisément indiqué. Le loyer est de 100 livres annuels payable à Noël et à la Saint Jean-Baptiste


Extrait du bail (cote 3E22 88 AD08)


En 1753, le curé Jacques Carbon donne à bail pour neuf années, la dîme dont bénéficie la cure de Lalobbe (soit les deux quarts de la dîme totale versée par les habitants de Lalobbe et la totalité des menues dîmes). L’accord est conclu avec Pierre Marandel et Jacques Florentin Meunier, marchands de Lalobbe qui sont chargés de prélever et percevoir la dîme. En contrepartie, ils doivent verser chaque année, au curé de Lalobbe, un « loyer » de 576 livres et lui donner deux agneaux, le tout payable en deux fois à la St Martin d’hiver et à Pâques.

Extrait du bail (cote 3E22 101 AD08)


De même, le 11 mars 1782, le curé Pierre Ponce Vaalet passe un bail avec Pierre Henry, laboureur et Gilles Lefebvre, charpentier, tous deux habitants de Signy. La durée du bail est laissée aux choix des "preneurs", trois, six ou neuf ans ; à eux de prévenir 6 mois à l'avance s'ils ne veulent pas reconduire le contrat. Le loyer annuel est de 1200 livres, payable tous les trois mois à partir du 1er juillet 1782. Sur cette somme de 1200 livres, le curé doit reverser un quart à l'abbaye Saint Martin de Laon dont il dépend.

Extrait du bail (cote 3E22 123 AD08)


Ce fut probablement l'un des derniers baux signés à la veille de la révolution. La loi de "Suppression des Privilèges" du 4 août 1789 fit disparaître la dîme et la constitution civile du clergé de 1790 créa un clergé salarié par l'État.

 

Nb Sources : Cartulaire de l'abbaye S. Martin de Laon cote H871 AD02, Cartulaire de l'abbaye N.D. de Signy cote H205 AD08, consultables en lige sur ARCA Bibliothèque numérique de l’IRHT, répertoire des cotes de manuscrits, incunables et livres anciens conservés dans les bibliothèques du monde entier.

Traduction des textes en latin réalisée avec l'aide de Mistral AI

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