L'Eglise durant le 19ème
- catherinepaulus
- 3 déc. 2024
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Dernière mise à jour : 24 mars

Après la révolution, une église en bien triste état !

Extrait de "Statistique historique de la paroisse de Lalobbe"(hélas non datée) dans les copies faites en 1948 par Charles Davesne et conservées aux Archives Départementales des Ardennes.
Ce n'est pas vers 1790 que ces travaux ont du être réalisés mais plus tard. Au moment de la révolution, des travaux ont effectivement été réalisés, comme le prouve l'enquête épiscopale de 1807 (voir ci-après) mais ne concernaient pas le clocher :
[...]quant aux coeur et cancelle c'est en assez bon état. Les murs ont été reconstruits a l epoque de la revolution, mais sans etre renduits, ni blanchis et tout bruts,[...]
Le procès verbal de visite paroissiale établi par le curé Grimon de Novion-Porcien en 1803, le courrier de Jean Baptiste Villemet à l'évêque de Metz, (diocèse dont dépendait Lalobbe à l'époque) en 1805 et ses réponses au questionnaire adressé aux paroisses du diocèse de Metz en 1807, attestent entre autres, de l'état de délabrement de l'église et en particulier de la partie soutenant le clocher :
Procès verbal de la visite paroissiale de 1803
Lalobe Proces verbal de la visite e l'Eglise paroissiale de Lalobe Canton de Novion 4eme arrondissement de Rethel. L'an mil huit cent trois le premier aouste a onze heures du matin, nous nous sommes transporté dans la commune de Lalobe département des ardennes quatrieme arrondissement de Rethel, canton de Novion a l'effet de procéder a la visite de l'Eglise paroissiale, Nous y étant rendu accompagné de Monsieur Desliart desservant de la dite Eglise, de Monsieur Villemet pretre, du Maire de la commune et de quatre membres du conseil général. Nous avons remarqué que cette Eglise sous l'invocation de St Lambert est dans le plus grand délabrement. La charpente dans la partie qui regarde le clocher et la couverture sont absolument deffectueuses il n'y a point de vitres dans la nef, tres peu de bans. Les chasubles verte, blanche et violette sont en bon état, il n'y en a point de noire. Point de linges qu'une seule mauvaise aube. Il y a un calice d'étain dont la coupe et la patene ne sont pas et ne peuvent pas étre dorées. Je n'ai trouvé ni ciboire, ni custode(1) le soleil(ostensoir)(2) est en bois, point de confessional, point de draps des morts. Les livres d'Eglise et les fonts baptismaux sont en régle. Le cimetiere n'est point fermé, il n'y a pas de croix. Il n'y a pas de chaire a précher. De tout quoi nous Curé susdit avons dressé le présent procès verbal a Lalobbe le premier aoust mil huit cent trois et avons signé Grimon Curé de novion
Réponse aux notes demandées - Il n'est pas possible de faire aucune réunion a Lalobe, cette commune étant trop éloignée des autres, d'ailleurs tres populeuse ayant plusieurs écarts. - Le corps municipal a dit qu'il aviseroit aux moyens de fournir a la subsistance du desservant et de lui fournir un logement convenable. - Il y a dans la commune de Lalobe trois prêtres savoir Monsieur Nicolas Antoine Desliard agé de quarante ans, desservant Lalobbe bon prêtre, Monsieur Jean Baptiste Villement agé de quarante quatre ans prêtre exemplaire, de moeurs pures, en état d'exercer avec fruit les fonctions du St ministere surtout a Lalobbe ou il a la confiance des habitans et y est tres considéré et un Monsieur Demoulin cy devant chanoine regulier, né a Troies agé d'environs de soixante ans que je ne connois que trés superficielement. On dit qu'il ne paroit jamais a l'Eglise. L'état de l'Eglise est designé dans le procés verbal de l' autre coté. - Il n'y a aucun revenu qui lui soit assuré, elle est tres pauvre ainsi que la commune. - La population de Lalobbe est de huit cents âmes
(1) Custode : petite boîte ronde en métal précieux, utilisé par les prêtres pour transporter quelques hosties consacrées, en vue de distribuer la communion en dehors de l'église (communion aux malades).
(2) Soleil (ostensoir) : Pièce d'orfèvrerie souvent en forme de soleil, reposant sur un pied, destinée à recevoir dans sa lunule une hostie consacrée qui est ainsi exposée à l'adoration des fidèles.
Deux ans plus tard, le 12 janvier 1805, le curé de Lalobbe informe l'évêque de Metz de l'état de l'église paroissiale et des difficultés rencontrées avec la municipalité. Rien n'a changé depuis la dernière visite paroissiale de 1803.
Absence de confessionnal, de chaire, de fonds baptismaux, de sacristie, de linges et de bancs
Il pleut à l'intérieur de l'édifice
Charpente pourrie en particulier celle qui tient le clocher
Insuffisance de ressources des habitants
Refus des membres du conseil de la commune à participer aux frais de remise en état
Le curé sollicite l'Evêque afin qu'il intervienne auprès de la commune et l'oblige à réaliser les réparations nécessaires. Sur la lettre du curé de Lalobbe, il est noté par le secrétariat de l'évêché : "Répondre à Mr le Curé en lui annonçant qu'on écrit en même temps au maire de Lalobbe pour l'engager à fournir les choses nécessaires au service divin et à payer les desservants sinon l'église sera interdite...."
Extrait de la correspondance
Monseigneur Les marques de confiance et d'attachement que m'avoient donner les habitants de Lalobbe au commencement de l'exercice de mes fonctions m'avoient fait espérer pour mon logement, pour l'entretien du culte et les réparations urgentes de leur église qui est dans le plus triste état aux yeux meme des passants qui gemissent de la voir. Elle manque au dedans de tout le necessaire, il n'y a ni confessional, ni chaire de vérité, ni fonts baptismaux, ni sacristie, ni linge il y pleut partout meme sur l'autel, il n'y reste aucuns vitraux et le prêtre comme les assistants y sont exposés à toutes les injures du tems. Une grande partie de la charpente du toit, surtout celle qui repond au clocher est absolument pourrie, prête à tomber et on ne peut l'habiter qu'avec danger. Aussi la plupart des paroissiens que j'avais rappelé à l'église et à leurs devoirs s'en éloignent-ils a cause du froid et de toutes les incommodités qu'on y eprouve. D'ailleurs la vente non pas des bancs(1) (car il n'en reste plus) mais des places ne fournit aucune ressource. Les habitants y avoient consenti et les avoient reconnues, mais ne veulent plus en payer le prix sous pretexte qu'on ne peut habiter l'eglise et les quêtes qu'on fait dans l'église suffissent a peine pour avoir de la cire. Vous devez jugez par là, de l'insouciance des habitants pour la religion. C'est le caractere de beaucoup de paroisses des environs ou les desservants ne trouvent aucune ressource. Je me suis plusieurs fois adressé a la municipalité pour lui represeter la nécessité de faire des reparations aussi urgentes. Tous les membres du conseil en conviennent, ils m'ont fait de belles promesses mais jamais ils n'en font rien et le maire qui est zelé pour l'église après les avoir assemblé plusieurs fois m'assure qu'il ne prevoit pas qu'on pourra en venir a bout tant que la commune ne sera pas forcé, attendu que la pluspart des membres etant propriétaires ont intérest d'éloigner les dépenses dont ils payeroient une grande partie. [...] [...] J'ai plusieurs fois averti Mr le Curé de Novion de la situation facheuse de l'église de Lalobbe, et je l'ai prié de vous en informer ; mais aujourdhuy je suis forcé de m'adresser a vous particulièrement pour vous prier de me donner les avis nécessaires et employer votre autorité pour forcer des reparations sans lesquelles l'exercice du culte ne pourroit etre continuer. J'ai fait jusqu'a present tous les sacrifices sans rien recevoir. J'ai fourni a l'église le pain, le vin, les linges sans que la commune y contribue en rien pas meme pour l'indemnité de mon logement qu'on m avoit promis et que je ne peux obtenir malgré une petition que j'ai presenté a la sous préfecture ; et tout autre que moy ne pourroit y rester en trouvant dans cette paroisse ni logement, ni ressources, ni accord pour prendre aucun arrangement relatif aux depenses du culte. La commune n'a d'ailleurs aucune revenu, et le casuel(2) du desservant y est mal payé. [...}Mais le sujet de ma lettre est de vous prier de vouloir bien donner vos ordres et employer tous vos soins a l’effet de parvenir aux reparations si urgentes de l’eglise de Lalobbe et obliger les paroissiens a fournir tout ce qui est necessaire a l’ornement et a la decence du culte. J’espere que vous voudrez bien prendre en consideration des representations aussi justes et qui n'ont en vue que le bien de la religion qui rend la chose pressante. J ai l'honneur d etre avec le plus profond respect, Monseigneur Votre très humble et obeissant serviteur.
(1) Vente de bancs : Les fidèles pouvaient réserver tout ou partie d'un banc contre versement d'une contribution généralement annuelle. C’était à la suite d'enchères que les paroissiens pouvaient en faire la location.Peu de gens pouvaient s’offrir une place assise et réservée pour la messe, car les bancs étaient loués, ou encore concédés, à prix forts aux familles de la paroisse. Leurs noms figuraient sur des plaques de métal (généralement en cuivre) fixées au dos des bancs ou chaises. Posséder un banc était signe de grande richesse.
(2) Le casuel est une offrande versée à l'occasion de la célébration d'un sacrement (baptême, mariage, sacrements des malades) ou d'un enterrement. Ces offrandes sont versées à la paroisse concernée et participent aux frais. Chacun donne selon ses moyens.
Fin 1805, le curé Willemet lors d'un échange avec l'Evêque l'informe que les réparations les plus indispensables ont été faites :
Extrait de la correspondance
[...] Effectivement je vous ai ecrit en deux differentes fois dans le courrant de l’année pour vous exposer l’etat de l’église de Lalobbe qui avait besoin de grandes reparations et manquait de beaucoup de choses nécessaires au culte divin. Je vous priais meme de menacer la commune d’interdire l’église, s’ils n’etoient plus ardents a les faire faire et vous exposois le désir que j’avais d’aller desservir Justine (village des Ardennes) si les habitants de Lalobbe souffroient l’interdit de l’eglise par leurs négligence à la reparer. [...] Je vous observe donc que depuis les habitants de Lalobbe ont fait des efforts pour faire à l’église les reparations les plus necessaires et lui ont fourni selon leur moyen les vases et ornements et autres choses necessaires au culte divin, m’ont attribué une somme pour indemnité de logement, se propose d’en faire davantage et seraient vivement fachés de me voir partir après ces sacrifices[...]
Pourtant, en 1807, le constat est toujours le même comme le rapport de l'enquête épiscopale, l'église est toujours dans un état déplorable.
Extrait de l'enquête épiscopale de 1807
Réponses aux différentes questions de Monseigneur leveque de Metz1°Léglise de Lalobbe canton de novion, arrondt de Rethel Dept des ardennes, - quant aux coeur et cancelle(1) c'est en assez bon état. Les murs ont été reconstruits a lepoque de la revolution, mais sans etre renduits, ni blanchis et tout bruts, - quand a la partie depuis les cancelles jusqu'au clocher qui forme moitié environ, tout y est defectueux, la charpente pourrie, le clocher lui meme menace ruine et les reparations, il y ans deux ans ont été estimées a quinze cents francs, necessaire pour mettre leglise en etat de solidité et de propreté. - Les vases sacrés sont assez honnetes. - Le missel et autres livres excepté les processionaux(2) sont en assez bon etat, point de confessional, point de chaire a precher. - Le cimetiere est en très mauvais etat, ouvert a la pature des bestiaux sans murs, ny hayes pour en empecher la profanation, point de presbitere qui a été vendu a demolition, point de jardin. La maison que j'habite m'appartient et point de local pour en construire ; il seroit meme impossible de trouver une maison pour servir de presbitere. - Il existe des mauvais bancs depuis le coeur jusqu'au crucifix moitié de leglise, qui ont été vendus très peu de chose pour lavis des acheteurs. Dans le reste de leglise qui est très vilain, n'ayant pas meme de pavé, ni vitreaux, il n'y a ni bancs, ni chaise, les habitants assistent aux offices debout ou apportent des chaises qu'il reportent chez eux. [...]J'ai l'honneur de certifier a Monseigneur leveque de Metz que la presente declaration en reponses a les questions est sincere et faite suivant ma conscience et dans la bonne foy. En foy de quoy j'ai signé A Lalobbe, le 10 novembre 1807 Villemet Desservant de Lalobbe
(1) Cancel (chancel-cancelle): endroit du chœur de l'église qui est le plus proche du grand Autel et ordinairement fermé d’une balustrade.
(2) Processional (processionaux) : Livre qui contient les prières, antiennes, hymnes chantées lors des processions
Quand ces réparations plus qu'urgentes eurent-elles lieu ? Pour l'instant, je n'ai trouvé aucun document s'y référant. Peut-être en 1818, date à laquelle on remplace la cloche (voir ci-après).

En pointillé, partie qui a été construite après 1807

Trois cloches se succèdent de 1818 à 1853
En 1818, la cloche de l'église est remplacée.
Elle est refondue à Maranwez le 3 juin et une nouvelle cloche de 725 livres est coulée.

Extrait des registres paroissiaux
Mais 6 ans plus tard, elle casse et de nouveau on la refond. L'opération se déroule à Viel St Remy le 28 juillet 1824 à deux heures du matin. Le fondeur rajoute de la matière, puisque la nouvelle cloche pèse 993 livres. Le premier août, elle est baptisée, ses parrain et marraine sont les châtelains de Lalobbe.

L'étude réalisée en 1902 (Les cloches du canton de Novions Porcien) par Albert Baudon, nous donne l'inscription présente sur cette cloche :

En 1853, de nouveau on remplace la cloche, ses parrain et marraine sont les patrons de la filature de Lalobbe.

Les noms des fondeurs sont précisés. Souvent originaire de Lorraine ou des Vosges, certains s'étaient installés dans les Ardennes.
La fonderie Loiseau-Liégault

Les travaux et embellissements de l'église
Dans la table chronologique (1700-an 9) des registres paroissiaux de Lalobbe, un curé a noté en marge les diverses améliorations apportées à l'église entre 1834 et 1890. Difficilement lisible, cette note liste par curé "les oeuvres" qui ont été réalisées durant leur exercice.
Sous le mandat du curé Alexandre Laurent (1834-1868), divers travaux, rénovations et embellissement de l'église sont faits :
Pavés du choeur en marbre
Voûte du choeur rénovée
Chemin de croix
Vitraux
Tribune des filles
Tableau du martyr de St Lambert
Ce tableau peint par le peintre rémois François Hécart en 1864 a été offert à l'église de Lalobbe par Me Marie Jeanne Peltier veuve de Pierre Simon Villemet (ou Willemet) en mémoire de son mari et de ses cinq enfants tous décédés très jeunes. Me Peltier est décédée en 1878 à l'âge de 94 ans.
Une note rédigée en latin indique également qu'un nouvel autel a été construit et l'ancien après transformation a été installé dans la chapelle de la Vierge :
Illius curis altare majus ex lapidibar aedeficatum fuit, et vetus ex lignis constructum, in capella BV Marie, adaptatum, decoribus adjunctis, remanet.
Un autel plus grand a été construit en pierre et l'ancien, construit en bois, a été adapté et installé dans la chapelle de la Bienheureuse Vierge Marie, on y a ajouté des décorations.

D'autre part, en 1859, dans le compte administratif de la commune, il est constaté des réparations à la couverture de l'église.
Une description de l'église telle qu'elle était vers le milieu du 19ème siècle nous est parvenue grâce à la copie faite en 1948 par Charles Davesne. Hélas aucune date n'est précisée, mais les indications portées permettent de situer le descriptif après 1824 (date de la cloche) et avant 1853 date de la nouvelle cloche.
Descriptif




Les quatre statues décrites dans le document sont toujours dans notre église.

La Vierge à l'enfant Jésus St Lambert St Eloi St Roch
Sous le mandat du curé Jean Baptiste Labarre (1868-1876), on installe un harmonium, des pavés dans la nef et sous les bancs (certainement des nouveaux pavés puisqu'en 1807, il n'y en avait plus)
L'harmonium est en bois vernis et porte l'inscription : Tombois & Fils, (Charles-Louis Tombois, né en 1844, fils de Charles Tombois, facteur d'orgues. Installés d'abord cité de l'étoile à Paris, puis 65 boulevard Richard Lenoir lors de leur faillite de 1875).
Sous le mandat du curé Jean Joseph Graftiaux (oct 1876-juin 1883), de gros travaux de rénovation sont entrepris. On fait appel à un architecte, Mr Daumale dont les honoraires sont payés par la commune. Il préconsie de modifier la charpente et de modifier le plafond de la nef pour lui donner de la hauteur.
Rapport de l'architecte


Ainsi, toute la nef est voûtée telle qu'elle est aujourd'hui alors qu'auparavant le plancher supérieur formait le plafond de la nef.
De plus, on embellit la sacristie et on installe
des bancs neufs,

une chaire à prêcher,

un bénitier en marbre

et une double porte à l'entrée.
Tous ces gros travaux, toiture et voûte de la nef sont financés en partie par des aides de l'état (ministère des cultes), par une souscription et par une participation de la fabrique de la paroisse. Ces travaux d'importance ont été effectués sur plusieurs années et apparaissent dans les comptes de la commune de 1878 à 1884.
Aides de l'état
Une simple note dans les registres paroissiaux fait état durant le mandat du curé Léo Robert Bouillard (juillet 1883-avril 1890), d'un ajout de bancs, d'un second bénitier en marbre et du déplacement de la chaire.
Fin du 19ème siècle, l'église était complètement rénovée et pourvue du mobilier (bancs, chaire, confessional) et objets liturgiques nécessaires (calices, patènes, ostensoir, ciboire....), comme on peut le constater dans l'inventaire réalisé en 2012 lors de l'enquête réalisée par le Service de l'Inventaire du Patrimoine de la Région Grand Est, inventaire dans lequel, la plupart des objets ou meubles sont du 19ème siècle.
Suite et fin de L'église Saint Lambert

NB : Une partie de la documentation est tirée du dossier de Présentation des objets mobiliers de l'église paroissiale Saint-Lambert de la commune de Lalobbe, Champagne-Ardenne, Ardennes, Lalobbe Malcorps Audrey ; Richard Sophie ; Decrock Bruno Date d'enquête: 2012 ; Dernière mise à jour en 2016 (c) Ministère de la culture ; (c) Région Champagne-Ardenne ; (c) Conseil général des Ardennes
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