L'Eglise St Lambert de 1194 à 1694
- catherinepaulus
- 3 déc. 2024
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Dernière mise à jour : 24 mars

Dans un cahier conservé aux archives départementales des Ardennes, Charles Davesne(*) en 1948, a fait la copie de plusieurs documents détenus au presbytère.
(*) Charles Davesne avait été élu au conseil municipal en 1929 et figurait dans la liste des répartiteurs (Ils traitaient de certains impôts et en assuraient la répartition entre les contribuables).
Ainsi dans le rapport rédigé en 1877 par l'architecte Daumale en 1877, il est précisé :

Le Service Régional de l'Inventaire général du Patrimoine culturel de la Région Grand Est a réalisé en 2012 une enquête sur les églises des Ardennes. L'historique de l'église de Lalobbe est ainsi décrit :
Le choeur et la nef de l'église Saint-Lambert ont été édifiés dans la première moitié du 13e siècle, la chapelle sud au 16e siècle et l'ensemble a été remanié (baies, voûtements, clocher) dans la première moitié du 19e siècle.
Voici quelques dates et faits marquants permettant de retracer partiellement le passé de notre église Saint Lambert
On ne connait pas la date exacte de la construction de l’église, mais il est certain qu’elle existait avant 1194, date à laquelle, les religieux de l’Abbaye d’Hautvillers demandent l’autorisation de consacrer l’édifice religieux qu’ils avaient érigé à Saint Nicolas (voir publication sur le sujet). Autorisation qui leur est donnée sous réserve de respecter les droits du curé de l'église paroissiale :
Nous (religieux de l'Abbaye d'Hautvillers) avons cependant fidèlement promis de respecter tous les droits de l'église paroissiale et de son curé, de sorte que nous n'enterrerons personne, sauf nos propres frères et sœurs convers et nos familles qui ne sont pas de la paroisse du même village, sans le consentement du prêtre, et nous n'exercerons aucun autre droit ecclésiastique
1216, l'église de Lalobbe devient la propriété de l’Abbaye St Martin de Laon
En 1216, suite au règlement d’un conflit entre l’abbaye Saint Martin de Laon et l’abbaye de Cuissy (Aisne), la paroisse de Lalobbe devient définitivement la propriété de l’Abbaye Saint Martin de Laon qui fournira par la suite les nombreux curés qui se succéderont dans l’église de Lalobbe.
Traduction de l'extrait du cartulaire rédigé en latin
Gervais, par la patience de Dieu appelé Abbé de l'Église des Prémontrés, à tous ceux qui examineront la présente charte, salut en l'auteur du salut. (*)
(*) Il s'agit d'une introduction typique à une charte ou à un document médiéval, émis par un abbé nommé Gervais de l'Ordre des Prémontrés, (ordre religieux de chanoines réguliers fondé en 1120 par saint Norbert).
Nous désirons certifier votre communauté par cet acte juridique public, édicté par autorité judiciaire, que lorsque le bien-aimé Abbé et couvent de l'Église Saint Martin de Laon d'un côté, et de même l'Abbé et couvent de l'Église de Cuissy de l'autre côté, avions soulevé une plainte contre la paroisse de La Lobbe et son patronage à notre audience, nous, qui par l'autorité du privilège apostolique sommes nommés juges des plaintes ou des cas survenant entre les églises de notre ordre, après avoir entendu les motifs des deux parties. et inspecté soigneusement les documents, n'ayant reçu ici et là rien de moins que des témoins et leurs attestations écrites, et après que leur publication eut été légalement alléguée par les parties à plusieurs reprises, et enfin les deux parties ayant entièrement renoncé tant aux documents qu'aux allégations, ayant pris conseil sur ces matières auprès d'hommes prudents et surtout de juristes, nous absoussons l'Abbé et le couvent de Saint Martin de la réclamation de l'Abbé et du couvent de Cuissy. Nous attribuons par sentence définitive à la même Église Saint-Martin tant la possession et les biens de la paroisse de La Lobbe que le patronage[3], l'établissant solidement par la fois apostolique et par notre propre autorité, afin que ladite sentence soit observée de manière irréversible à perpétuité. Fait au mois de décembre de l'année de l'incarnation(*) du Seigneur 1216
Document conservé aux Archives de l'Aisne cote: H871 En ligne
(*) Année de l' Incarnation On compte les années à partir de la naissance de Jésus-Christ, telle qu'elle fut calculée au VIe siècle. Dans les textes latins du Moyen Âge, elle est signalée par les formules Anno Incarnationis, Anno ab incarnatione Domini, Anno Domini (en latin « en l'année de l'incarnation », « en l'année de l'incarnation du Seigneur », « en l'année du Seigneur », cette formule étant parfois abrégée en « AD »
Explications :
Cette charte sert de document juridique relatif à la résolution d'un différend entre deux institutions religieuses et démontre le rôle des autorités ecclésiastiques dans de telles questions au cours de la période médiévale.
Une plainte en justice avait été déposée tant par l'abbé et couvent de l'église Saint-Martin de Laon que par l'abbé et couvent de l'église de Cuissy au sujet la paroisse de La Lobbe et ses patronages(*). Après avoir entendu les arguments de chacun, reçu les témoignages et tenu conseil avec des juristes, le « juge » prononce sa sentence en faveur de l’abbaye de St Martin de Laon : L'Abbé et le couvent de Saint Martin sont absous des prétentions de l'Abbé du couvent de Cuissy. L’Abbaye de St Martin de Laon se voit accorder la possession, la propriété et le patronage(*) de la paroisse de La Lobbe. La sentence est définitive et doit être observée de manière irréversible pour des temps perpétuels, avec l'autorité apostolique (c'est-à-dire du Pape).
(*) Le patronage ou droit de patronat d’une église : Le "patron" avait pour obligation l’entretien de l’église, de ses éventuels bâtiments annexes et de la résidence du curé. En échange, le "patron" avait le droit de lever à son profit un nombre important de redevances et percevait une bonne parte des dîmes et parfois même des oblations (Offrande faite au clergé par les fidèles et consistant soit en dons en nature, soit en produits de quêtes ou de taxes). On estime généralement que les revenus tirés du patronat étaient très supérieurs aux charges qui lui incombaient, d’autant que parfois l’entretien des bâtiments était négligé. Sur un plan religieux, il appartenait au patron de choisir le desservant (curé) que l’évêque ne pouvait refuser
Dès le 23 décembre 1216, sur présentation de Gautier, abbé de l’Abbaye Saint Martin de Laon, Pierre est nommé curé de Lalobbe.

Document conservé aux Archives de l'Aisne cote: H871 En ligne
Traduction du texte rédigé en latin
Par la grâce de Dieu, archevêque de Reims bien-aimé fils, doyen de Taissy. Salut dans le Seigneur. Sur la présentation de notre fils bien-aimé Gautier, l'abbé de Saint-Martin de Laon, nous avons investi Pierre, porteur de la présente (lettre), prêtre de la paroisse de La Lobbe. C'est pour cette raison que nous vous ordonnons d'introduire le plus tôt possible le même Pierre dans ladite paroisse avec la cérémonie requise. Fait, en l'an de grâce mil deux cent seize, le deuxième jour avant la nativité du Seigneur. Renvoyez la lettre
Ensuite, on retrouve trace dans plusieurs actes du cartulaire(*) de l'Abbaye de Signy de quelques curés qui ont officié à Lalobbe :
(*) Cartulaire : Registre contenant le détail du patrimoine d'un monastère ou d'une église. C'est un recueil de copies de ses propres documents transcrits intégralement ou parfois en extraits, (titres relatifs aux biens, aux droits et autres documents concernant son histoire ou son administration). Ce registre était destiné à assurer la conservation et la consultation de ces actes.

En janvier 1254, le prêtre de Lalobbe se nomme Nicolas ; Il est cité comme témoin d’un acte de donation à l’abbaye de Signy par Pierre dit Quallars de Grandchamp. L’acte est daté de l’an mil deux cent cinquante quatre, le lendemain de la circoncision(*) du Seigneur.
(*) La circoncision de Jésus est un événement de la vie de Jésus relaté dans l'Évangile. C’était autrefois une fête liturgique célébrée par les Églises catholique et orthodoxe chaque 1er janvier. Depuis 1974, elle n'est plus en usage dans l'Église catholique
En mars 1285, dans un texte traitant d’un différent entre l’Abbaye de Signy et la paroisse de Lalobbe, nous apprenons que le curé de Lalobbe était Dom Henri :
"[...]Enfin, pour le bien de la paix et le bénéfice des deux parties, et pour que tous différends entre elles concernant la perception des dites dîmes, entre les gens de Signy eux-mêmes d'une part et dom Henry, le prêtre chargé de Lalobbe[...]Fait l'an du Seigneur mil deux cent quatre-vingt-cinquième, le lendemain de la Résurrection du Seigneur" (26 mars 1285)
En septembre 1305, Aalis ou Alix, dame de Sery et Lalobbe, veuve de Arnoud de Beaufort rédige son testament et entend régler ses dettes. C’est ainsi que parmi des débiteurs figure le curé de Lalobbe :
[...]Apres je weil(veux) que mes dettes soient entierement paies & rendus a ciaus(ceux) a qui je les dois & sui tenue[...] au Cureit(curé) de la Lobbe c est a savoir Monseigneur Guillaume sept livres parisis.[...]
S'ensuit une période de 300 ans durant laquelle je n'ai pu découvrir pour l'instant aucun document.
16éme siècle (1574) On agrandit l'église
A la fin 16ème siècle, construction à droite de la nef, du "demi-transept"qui abrite l'actuelle chapelle de la Vierge et la sacristie.
Toujours dans le cahier de Charles Davesne, il est noté :

Cette inscription est-elle toujours visible ? A l'intérieur ou à l'extérieur ?
Ce sont les seules petites informations que j'ai découvertes sur cette très lointaine période. Et c'est seulement fin du 17ème siècle que des documents intéressants nous en apprennent plus sur le passé de notre église.
17ème siècle Travaux - Inventaire des ornements de l'église - Incendie écarté
En 1678, Mgr Charles Maurice Letellier, archevêque de Reims effectue une visite pastorale des églises du diocèse de Reims. Celle de Lalobbe est prévue le 3 mai 1678 selon un planning établi le 14 avril 1678 :
Les notes de l'archevêque sont ainsi rédigées (orthographe de l'époque) Extrait de la visite pastorale Mgr Letellier 3/5/1678
St Lambert de la lobbe à la presentation(*) de l’abbé de St Martin de Laon Venu a Vuassigny y le 3 may 1678 - Vuagnon (Mr de) seigneur de ce village - Frere Francois Foulon religieux premontré prefet de St Martin de Laon aagé de 44 ans, est bon curé et des meilleurs de sa profession - 550 communiants - Une lampe de coeur a besoin de grande reparation, le pignon de la chapelle Notre Dame menace ruine a la charge de l’abbe de Signy et des religieux de St Martin de Laon - Quelque reparation au cloché a la charge des habitants - De 160 lt d’argent comptant et de la vente d’un vieux calice d’argent qui est difforme, ordonne qu’on achepte un calice neuf, un ciboire et un soleil d’argent sur le mesme pied,
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(*) Présentation : Action de présenter un ecclésiastique à un bénéfice, faite par qqn qui en a le pouvoir, pour qu'il en soit pourvu par celui qui en a la collation.C’est à dire que l’abbé de St Martin de Laon désignait un prêtre pour la cure de Lalobbe et l’archevêque de Reims le nommait.aucune petite boeste d’argent
Dans le même registre, est également inventoriée l'argenterie des églises et abbayes du diocèse, la date n'est pas précisée mais apparemment quelques années plus tard :
Lalobbe : un calice avec sa patene de 2 marcs(*), un ciboir, une boeste(boite) et un dessus de soleil
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(*) Marc : ancienne unité de masse, valant huit onces ou une demi-livre.
En 1685, soit sept années après la visite pastorale de 1678, des travaux sont effectués dans le choeur et dans le cancel de l'église ainsi que dans la chapelle de la Sainte Vierge. Une procédure a retardé les travaux. En effet, un procès a lieur entre le marguillier(*) de Lalobbe Nicolas Marandel et les religieux de Signy qui contestent la prise en charges des frais occasionnés par cette réfection alors que le rapport de l'archevêque le mentionnait "Une lampe de coeur a besoin de grande reparation, le pignon de la chapelle Notre Dame menace ruine a la charge de l’abbe de Signy et des religieux de St Martin de Laon"

(*) Marguillier : Les marguilliers étaient chargés de l'administration des revenus et dépenses d'une église
En janvier 1686, la chapelle de la Sainte Vierge est dédiée au Saint Rosaire

Le Rosaire est un exercice de piété catholique qui consiste à méditer sur les mystères de la vie du Christ tout en récitant des prières vocales. Il s'agit, en somme, de contempler le Christ avec Marie. Le terme « rosaire » dérive du latin ecclésiastique rosarium, signifiant la guirlande de roses dont Marie est couronnée dans les représentations traditionnelles.
Malgré de nombreuses recherches, il n'a pas été possible de retrouver cette ordonnance de 1686.
En juin 1686, un inventaire des ornements de l'église est dressé par Jean Letellier, marguillier de la fabrique(*) de Lalobbe. Par ornements il faut comprendre les vêtements et linges utilisés par les représentants du clergé et également dans cet inventaire, les objets liturgiques. Ci-dessous la transcription de cet inventaire réalisée avec l'aide de Sandy et Françoise de France Genweb paléographie https://www.francegenweb.org L'orthographe de l'époque a été respectée.
(*) Fabrique : Assemblée de clercs et de laïcs chargés d'administrer les biens d'une église.
Inventaire des ornements de l'église
Declaration des ornemens de leglize St Lambert de Lalobbe.
- Premier, un calice d argent doré, deux ciboiles (ciboire) d argent et un soleil (ostensoir) d argent, des vaisiaux(1)de saincte huille destain(d'étain). - Item, six napes d hautel, trois aubes garnie damict(2)et de cinture(ceinture), cinqt surplys et cinqt douzaine de serviette. - Item, deux chasuble blanche, une rouge, une verde(verte), une viollet et une noire. - Item, une chape(3) a fleur en fond blanc, une viollet, et deux noires, une tunicle (tunique) noire. - Item, trois croix de cuivre, une demy douzaine de chandellier de cuivre, deux autre chandellier de cuivre pour les acolitte(4), une asansoir (encensoir) de cuivre, une lampe de cuivre. - Item, trois corporaux(5), six purificatoire(6),et cinqt voille de chaque couleur dindiene(7)et autre pettit meubles servant ---- au divin service. De plus a esté obmis(oublié) a la declaration du fond ci devant : la some de soixante livres, legué en leglize par feu Monsieur Forge. Laquelle declaration du fond de meuble de legize St Lambert de Lalobbe, a esté fait par frere Anthoine prieur curé de Lalobbe et Nicolas Merendelle, Jean Bouilliart et Jean Lettellier custode(8) (gardien) et marguillier de ladicte fabrique, ce jourdhuy --- premier juin mil six cens quatre vingt six . Et lavons signé et atesté veritable. Signatures : f(rere) Antoine Foullon curé de Lalobbe N. Marandel J Bouilliart J. Letellier
(1) Vaisiau ou vaisseau : vase, récipient
(2) Amict : Linge blanc, de forme carrée ou rectangulaire que le prêtre place sur ses épaules avant de revêtir l'aube et les ornements sacrés pour dire ou servir la messe
(3) Chape : Long manteau de cérémonie agrafé par devant et que revêtent les ecclésiastiques pour la célébration de certains offices
(4) Acolitte ou acolyte : Clerc promu à l'acolytat chargé notamment de servir à l'autel un membre de la hiérarchie placé au-dessus de lui (sous-diacre, diacre, prêtre, etc.).
(5) Corporal : Le corporal est le linge blanc que l'on pose sur la nappe d'autel, et sur lequel on place le calice et la patène, les ciboires .... Ce linge, le plus souvent carré, porte ce nom parce qu'autrefois l'on déposait directement sur lui l'hostie, le corps du Christ.
(6) Purificatoire : Linge dont se sert le prêtre à l'autel pour essuyer les vases sacrés ainsi que ses lèvres et ses doigts après avoir communié et effectué ses ablutions
(7) Indienne : Étoffe de coton peinte ou imprimée
(8) Custode : Personne chargée du soin des ornements, (vient du latin custodire, garder conserver). Peut également signifier : petite boîte ronde en métal précieux, utilisé par les prêtres pour transporter quelques hosties consacrées, en vue de distribuer la communion en dehors de l'église (communion aux malades).
En 1694, l'église échappe à un incendie qui s'était déclaré à onze heures du soir dans la maison de Jean Letellier domicilié à proximité du presbytère et de l'église.

Et pour terminer cette fin du 17ème siècle, un témoignage de l'importance de la religion et de la ferveur des paroissiens.
Dans les registres paroissiaux de 1691 et 1695, le curé Fromage a comptabilisé le nombre de communiants durant la période pascale ; sur deux semaines, on en relève plus de 550 !
Nombre de communiants

Article paru dans la revue d'Ardenne et d'Argonne en 1903

Extraits des registres paroissiaux de Lalobbe
Pour connaître la suite du passé de notre église Saint Lambert -

NB Les textes sur fond blanc sont tirés des "Extrait des Additions de Pierre Marandel à la chronique de Jean Taté" en ligne sur Gallica Bnf
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