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La dynastie des Guy de Sery, seigneurs de Lalobbe au Moyen Age

Dernière mise à jour : 22 mars


Sceau de Guy de Sery vers 1210 AD08 H103
Sceau de Guy de Sery vers 1210 AD08 H103

La féodalité

À partir du IXe siècle, l'Europe vit dans la peur, face aux grandes invasions et aux guerres. Partout s'élèvent de solides châteaux forts en mesure de résister aux éventuels assaillants. Une nouvelle organisation de la société apparaît alors, la féodalité, qui s'appuie sur le pouvoir des seigneurs propriétaires de la terre.

 

Cette société est divisée en trois classes :

  • Les Nobles, ce sont « ceux qui combattent ».

  • Le Clergé, ce sont « ceux qui prient ».

  • Les paysans et le peuple des villes, ce sont « ceux qui travaillent. »


Ce système politique a existé dans le royaume de France principalement entre le IX e et le XIII e siècle et disparait à la fin du Moyen Age. Mais une forme de féodalité perdure bien au-delà de cette période. Longtemps, l'Église et la noblesse conservent des droits féodaux et des privilèges en lien direct avec le système féodal. Il faudra attendre la Révolution française de 1789 pour que la société féodale disparaisse totalement, avec l'abolition de la société d'ordres et l'abolition des privilèges.


Il était fréquent que plusieurs seigneurs exercent leur pouvoir sur un même village et soient seigneurs de plusieurs lieux, conséquence de mariage, de ventes ou de partages lors des successions, ainsi, un seigneur pouvait être « seigneur de ........... en partie ».


Au début du 12ème siècle, Clérembauld de Rozoy avait reçu, pour sa part, Chaumont-Porcien, La Hardoye, La Romagne, La Neuville-lès-Wasigny, Lalobbe, Son en partie, la moitié de Bégny, la moitié de Wasigny et le quart de Remaucourt.


Un autre seigneur régnait également sur Lalobbe, Guy de Sery dont le fils et le petit fils règneront jusqu'au milieu du 13ème siècle. Un peu compliqué de s'y retrouver dans ces Guy, un numérotation s'impose.

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De ces lointains seigneurs, il reste sur les cartes du cadastre napoléonien un lieu-dit sur le territoire de Signy l'Abbaye, à proximité du Courmont : "La côte de Mr de Sery".

A Lalobbe, avec un peu de bonne volonté et sous toute réserve, on peut supposer une déformation de "Clérembauld" en : "La clef Beauchot" et "Le Pré de la Clibeauchaux" deux lieux-dits de Gauditout.



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Guy 1er de Sery


Prénommé Guiard dans certains actes, il est mort avant 1155. Son épouse Aelis (ou Aelide ou Aleide) était l’une des filles de Nicolas II de Rumigny. On sait qu'il donna sa terre de Lalobbe à l'abbaye de Signy (voir publication "Les donations"), donation qui fut reconnue par sa veuve en 1155. Nous sommes sous le règne de Louis VII (1120-1180), roi de France de 1137 à 1180. Cette époque est marquée par les conflits avec l'Angleterre et les croisades.


Si vous voulez en savoir plus, voir ci-dessous un bref historique du règne de Louis VII

Contexte historique

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Guy 2 de Sery


Il est le fils du précédent Guy. Sa première épouse s'appelle Ide ou Ida, la seconde Anfélise (dénommée parfois Aufélie ou Aufélize).


En 1180, il signe une charte afin de régler la controverse qui portait sur les limites et l'usage des terres de Lalobbe qui avait été données au monastère de Signy par son père, Guiard de Sery.


La terre de Lalobbe est alors divisée en deux moitiés : une moitié revient au monastère de Signy, l'autre à Guy de Sery . Des conditions strictes sont imposées pour l'usage de chaque moitié, notamment l'interdiction de couper du bois ou de faire paître des animaux dans la moitié appartenant à l'abbaye.

Les "mansoniers"(1) de Guy peuvent cultiver l'autre moitié mais doivent payer un terrage et une dîme aux frères de Signy, ainsi que deux deniers par fauchée(2) de prés et deux sols par an sur les vingt quatre maisons existantes.

La construction de nouvelles maisons est interdite sans le consentement des frères de Signy et en cas de destruction du village de Lalobbe, tout le territoire reviendra à l'abbaye de Signy.


(1) Mansonier : fermier d’une manse Chaque manse comprenait généralement une maisonnette, un courtil (jardin enclos), des terres arables, des droits d’usage sur les pâtures et les bois. Les manses passaient de père en fils. Serfs ou libres, les paysans étaient tenus par les redevances et les droits dus au seigneur, les durées de travail fixées par les corvées.

(2) Fauchée : mesure de prairie, superficie qu'on peut faucher dans une journée

Traduction d'extrait du texte rédigé en latin

Guillaume, par la grâce de Dieu, archevêque de Reims, cardinal de l'Église romaine du titre de Sainte-Sabine, légat du Siège apostolique. À tous ceux à qui ces lettres parviendront, salut dans le Seigneur. Qu'ils sachent, tant présents que futurs, que la controverse qui était en cours entre les Frères de Signy et Guiard[Guy 2] de Ceris[Sery] a été réglée de la manière suivante. Guiard de Ceris[Guy 1er], le père de ce Guiard[Guy 2] avait donné toute La Lobbe et tout ce qu'il possédait en elle au monastère de Signy en aumône. Mais comme il y avait un différend sur les limites de La Lobbe entre Guiard[Guy 2], le fils de ce Guiard[Guy 1er], et les moines de Signy, la terre a été divisée et délimitée par des bornes, avec l'accord des deux parties, à cette condition toutefois, que le monastère de Signy retienne pour lui, entièrement libre et tranquille, la moitié de ce territoire du côté de l'abbaye, et qu'il ne soit pas permis à Guiard[Guy 2] ni à ses mansoniers de couper du bois ou de faire paître des animaux dans cette moitié. Ce que les mansoniers susdits avaient cultivé dans cette moitié avant cette condition, ils le garderont, mais ils ne pourront ni le donner ni le vendre à quiconque, ni le cultiver davantage. Dans l'autre moitié, cependant, du côté de la ville qui s'appelle La Lobbe, il sera permis aux hommes de Guiard[Guy 2] de cultiver la terre, mais ils rendront tout le terrage selon la coutume de la ville aux Frères de Signy et la dîme comme il a été établi que les prédécesseurs de Guiard[Guy 2] l'avaient. Pour les prés, il a été convenu que pour chaque fauchée, deux deniers seront rendus chaque année aux "Signiaciens".[es moines de Signy] Pour les vingt-quatre maisons qui sont construites sur cette terre, pour la reconnaissance, deux sols leur(les Signaciens) seront donnés chaque année à la fête de Saint-Jean, et il ne sera pas permis aux hommes de Guiard[Guy 2] de construire d'autres maisons là-bas sans le consentement des frères de Signy. Si, par quelque cas, il advient que la ville susdite de La Lobbe soit détruite, tout le territoire tel qu'il est délimité par les bornes reviendra au monastère de Signy, et si elle est reconstruite, elle sera soumise à la condition susdite.[...] Fait, l'année de l'incarnation du Seigneur, 1180. Donné par la main d'Alexandre, chancelier.

Ce document de 1180 a été rédigé sous l'archiépiscopat de Guillaume aux Blanches Mains, archevêque de Reims de 1176 à 1202. Guillaume aux Blanches Mains était également cardinal et légat du pape, ce qui lui conférait une autorité considérable.


En 1215, Guy 2 (traduit par Wido dans le texte ci-dessous) et sa seconde épouse, Anfélise signent une charte entérinant une donation que Guy 2 fait pour le repos de l'âme de sa première épouse, Ide.

De ce nouveau couple nait Guy 3, qui sera le dernier seigneur de Lalobbe issu de la lignée des Guy de Sery.

Traduction du texte rédigé en latin

Moi, Wido[Guy 2], seigneur de Ceriaco[Sery], fais savoir à tous, présents et futurs, qui liront cette lettre, que pour l'âme d'Ide, autrefois mon épouse, moi et mon épouse Affeliz, en toute bonne foi, nous engageons à rendre chaque année à la maison de Signy un modius de seigle, mesuré selon la mesure de Castri Portuensis[Château-Porcien], à Nantolium[Nanteuil], provenant du terroir de cette même ville, à payer jusqu'à la fête de Saint Remi, le 1er octobre. Fait en l'an de grâce 1215.

Commentaires :

La charte est datée de l'an 1215, ce qui la situe au début du XIIIe siècle, une période de grande activité pour les chartes et les documents légaux en Europe médiévale.

La donation consiste en un modius (une ancienne unité de mesure) de seigle, qui doit être livré chaque année à l'Abbaye de Signy. L'unité de mesure de référence est celle en vigueur à Château-Porcien. Le seigle est prélevé sur les moissons du village de Nanteuil dont Guy était également le seigneur.



On peut situer le décès de Guy 2 entre avril 1219 et l'année 1228.


En effet en 1219, il signe un acte par lequel il renonce en faveur des Frères de Signy, à certains droits qu'il détenait dans des bois de Lalobbe et s'engage à ne pas s'opposer à toute vente ou échange de terres par les hommes de Lalobbe. De plus, il fait une concession annuelle de grains aux Frères de Signy, montrant l'importance des dons et des aumônes dans les relations féodales.

Anfélise, l'épouse de Guy 2 approuve également les termes de cet accord, les femmes nobles pouvaient avoir un rôle dans la validation des actes juridiques, bien que leur influence soit souvent limitée.


Le texte nous apprend également que les moines avaient creusé des fossés entre leurs terres et celles de Guy de Sery et avaient posé des bornes pour délimiter leur territoire ; ce texte est également intéressant par la description précise des limites géographiques du bois en question.


L’Abbé Mathy dans son livre « l’histoire de l’Abbaye de Signy » rédigé vers 1940 indique que ces fossés existent toujours : « Or, ces fossés existent encore. Évidemment, ils ont dû être refaits, creusés à nouveau au cours des siècles ; mais ils n’ont pas dû changer de place, du moins de façon notable. ». Et encore aujourd'hui en 2024, on peut trouver quelques traces de ces "constructions" comme sur la photo ci-dessous prise par Clémence Capitaine en 2020 lors d'une randonnée.


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"La limite entre Signy l'Abbaye et Lalobbe (et dans d'autres communes) est par endroit visible par des fossés comme celui ci proche du Chateau d'Eau du Carré  ...."


Traduction d'extrait du texte rédigé en latin

[..] Lesquels fossés se prolongent vers les bornes des dits Frères, près du Faux Rigaud, au milieu de la rivière de la Vaux, entre le village de Lalobbe et la montagne appelée Châtillon, au milieu du ruisseau de Lalobbe(ruisseau de la Chanue.), et par le bas de la « cristam Asiae » (peut-être au pied de la côte du  Haisault(1), vers le nid de Lescofle(2), au-dessus de la montagne de la Crotière, et jusqu'à la forêt qui s'appelle la forêt des Ânes, sous la borne appelée borne eng'alee (Angeniville ?) [...]

(1) La côte du Haisault : interprétation de l’Abbé Mathy  qui a fait un résumé de cet acte (voir Histoire de l’Abbaye de Signy par l’Abbé Mathy p84). Confirmé par Mr Tamine dans un article  « Quelques toponymes issus de la petite végétation arbustive en Champagne-Ardenne » parue dans la Nouvelle revue d'onomastique Année 2016 58 pp. 5-40 https://www.persee.fr/doc/onoma_0755-7752_2016_num_58_1_1847  Haise ou Haisi ou Haisia : terrain buissonneux, broussailles, fourrés, côte escarpée couverte de bois

 

(2) Escofle (ou Escoffle ou escoufle ) : milan (rapace) voir Dictionnaire Vieux François https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50685v/f19.image.r=escofle


En 1228, Anfélise, la veuve de Guy 2, est remariée et apparait dans une charte comme étant la femme de Anselme d'Epense, lequel se qualifie alors de "seigneur de Sery et de Nanteuil" probablement du fait de la minorité de Guy III, son beau-fils.

Traduction d'extrait du texte rédigé en latin

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Moi Anselme de Espance et Anfelisia mon épouse, seigneur de Sery et de Nanteuil près de Château Porcien. A tous ceux qui verront ces lettres, Salut dans le Seigneur En l'an de dieu, mille deux cent vingt huit


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Guy 3 de Sery


Souvent nommé Guyot ou Guiot dans les cartulaires, il approuve en 1230 une transaction et promet de ne pas la contester. Il est certainement devenu majeur mais il n'a pas encore son propre sceau pour signer la charte.

Traduction d'extrait du texte rédigé en latin

Il promet, la foi interposée(promesse solennelle), qu'il ne viendra pas contre ce qui précède, ni par lui-même ni par d'autres, et que lorsqu'il aura son propre sceau, il remettra à cette même église ses lettres scellées de son sceau en témoignage de cette affaire.

En 1235, on sait que Guy 3 était déjà marié puisqu'il signe plusieurs actes avec l'approbation de son épouse Cécile (voir publications "le règne de Guy 3").


Guy 3 décède avant mars 1241 ; il laisse une fille prénommée Aélis qui épousera Arnoul II de Beaufort. Sa veuve, Cécile, épouse en seconde noce Arnoul Ier de Beaufort, le père de Arnoul II. On ignore la date exacte de cette union mais l'on est certain que le 21 avril 1243, Cécile était déjà remariée puisqu'elle confirme avec son nouvel époux, une vente et donation de terres par ses vassales, à l'église Saint Nicaise de Reims. L'original de l'acte est scellé du sceau de Cécile, dame de Sery, de cire brune sur lacs(*) de soie rouge, le sceau de son époux a disparu.

(*) Lac : Cordon délié. Autrefois le sceau était attaché aux édits avec des lacs de soie de diverses couleurs


Lalobbe passe alors sous le règne de la dynastie des de Beaufort.


Guy 2 et Guy 3 ont vécu sous les règnes de Philippe Auguste (1180-1223), de son fils Louis VIII dit Le Lion qui régna seulement 3 ans et St Louis (1226-1270). C'est l'époque des croisades et de l'agrandissement du royaume de France.


Si vos souvenirs d'histoire de France vous font défaut, ci-dessous un rapide historique de cette période.

Contexte historique



NB : Documentation : Cartulaires de l'Abbaye de Signy cote H205 aux AD08 cartulaires de St Martin de Laon cote H873 aux AD02, en ligne sur le site https://arca.irht.cnrs.fr/ Traduction réalisée avec l'aide de Mistral AI https://mistral.ai/fr. Ouvrage "Documents relatifs au comté de Porcien : 1134-1464 publiés par ordre de S. A. S. le prince Louis II " (fichier PDF aimablement communiqué par l'Association de Sauvegarde du Patrimoine de Chaumont-Porcien)









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