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Le curé Willemet et la révolution française

Dernière mise à jour : 20 oct.

Jean Baptiste Willemet est né le 22 janvier 1762 à Lalobbe de Pierre Vuillemet et Jeanne Brouhet, ses parrain et marraine sont ses grands parents. Son grand père paternel et sa seconde épouse signent l’acte de baptême.  Il est l’aîné de huit frères et soeurs dont quatre mourront en bas âge, deux autres décèderont à l’âge de 11 ans, (mort noyé) et 12 ans. Seuls trois parviendront à l’âge adulte, une fille Antoinette décédée à l’âge de 27 ans, et deux frères Jacques Simon et Pierre Simon. Les parents de la fratrie s’étaient unis le 4 avril 1761 à Lalobbe et avaient apposé leur signature au bas de l’acte de mariage qui avait été célébré par Jacques Simon Brouhet, curé d'Hannogne, un cousin germain de la mère.

En juin 1786, Jean Baptiste Willemet est vicaire[1] à Sery, il signe un acte de baptême le 29 juin. C’est très certainement son premier poste, il a 24 ans. A compter du 20 avril 1791, tous les actes paroissiaux sont signés de sa main en tant que curé de Sery.



Comme la loi l’exigeait, il avait prêté serment à la Constitution civile du Clergé[2] et avait accepté la cure de Sery.

Jusque fin 1792, son nom apparaît encore dans les actes, il est désigné comme « citoyen Jean Baptiste Willemet, curé de Sery en Portien ». Dès 1793, les actes sont rédigés par un officier public et les registres ne sont plus tenus par les ecclésiastiques.




Le mariage et le divorce du curé Willemet

 

Jean Baptiste épouse Elisabeth Françoise Coutier à Sery le 4 brumaire an 3, (25/10/1794) dont il divorcera le le 22 floréal an 3 (11 mai 1795).


Transcription de l'acte de mariage

Transcription de l'acte de divorce

Les démarches du curé Willemet auprès de l'Evêché


Après son malheureux mariage suivi de son divorce, Jean Baptiste Willemet n’eut cesse d’argumenter auprès de l’Evêché afin d’être réhabilité pour pouvoir exercer son sacerdoce. Il adressa depuis Lalobbe de nombreux courriers (conservés aux archives de la Moselle cote 29J813) à l’Evêque de Metz afin d’obtenir la permission de dire la messe, l'absolution des censures[3] et sa réintégration dans ses fonctions ecclésiastiques :

 

  • Le 3 août 1802, il précise qu’il avait accepté, après avoir prêté serment à la Constitution civile du clergé, la cure de Sery où il avait été vicaire pendant cinq ans et relate les faits qu'il l'ont amené à se marier.

 

Il avait fait l'objet d'une dénonciation auprès du Comité Révolutionnaire pour avoir refusé de fêter les jours de decadis[4], pour avoir conseillé de "séquestrer" (Confier un objet de litige à une tierce personne jusqu'au règlement de l'affaire) les vases sacrés et ornements de l'église  et pour avoir refusé de recevoir les commissaires à bonnet rouge[5], envoyés pour dévaster l'église. Il dut se rendre à Rethel et fut sur le point d'être envoyé devant le comité révolutionnaire à Paris quinze jours avant la mort de Robespierre.

 

Pour échapper à ces persécussions, il eut l'idée sur le conseil d'amis de contracter un mariage civil avec une personne qui l'avait hébergé lorsque le presbytère avait été réquisitionné, avec l'intention de faire annuler ce mariage dès que possible. Cette femme était  elle-même poursuivie car on avait trouvé chez elle des ornements religieux. Le curé Willemet indique également que cette femme avait fait un "voeu de virginité perpétuelle" et qu'il en était de même pour lui. Quelques mois après ce mariage, il divorça et se retira à Lalobbe, son ex épouse se retira de même à Ecly d'où elle était originaire.


On peut supposer que les conseils d’amis que Jean Baptise évoque sont ceux du cousin germain de sa mère, Jacques Simon Brouhet, prêtre qu’il l’avait baptisé et qui s’était également marié comme le précise un extrait du journal d’André Hubert Dameras (histoire locale d’Hannogne St Martin de 1770 à 1836) publié dans la revue historique Ardennaise volume 12.

 

  • Le 13 septembre 1802, dans un nouveau courrier, il précise à nouveau qu'il s'est rétracté du serment qu'il avait prêté à la constitution civile du clergé ainsi que de l'acte de son mariage qu'il avait contracté pour échapper aux persécutions (période de la Terreur entre 1793 et 1794). Il évoque les promesses de réhabilitation qui lui avaient été faites par le diocèse de Reims avant le Concordat[6].

  

Suite à ses nombreux échanges avec l’Evêché, Jean Baptiste Willemet est dans un premier temps autorisé à dire la messe à Lalobbe où exerçait également le curé Deliart (nommé par la suite à Buzancy).

 

  • Le 25 juin 1803, il informe l’évêque du résultat de ses efforts pour ramener les fidèles à l’église. Dans ce même courrier, on apprend que le 12 brumaire (3/11/1802) un incendie a ravagé la maison de ses parents dans laquelle se trouvait son mobilier.


  • Dans un courrier du 15 janvier 1804, Jean Baptiste Willemet précise qu'il est le seul prêtre à Lalobbe depuis six mois et fait part des difficultés d'exercer son ministère n'ayant pas le droit de confesser les fidèles qui s'éloignent de la religion et refusent de voir un autre prêtre.


Sur cette correspondance de JB Willemet, une note de l’Evêché indique que Jean Baptiste Willemet sera rétabli dans ses fonctions pastorales jusqu'à l'arrivée de Mr Stevenin prêtre de Signy le Petit qui avait reçu sa nomination pour Lalobbe. Mr Stévenin ne vint jamais à Lalobbe (décédé le 3 janvier 1803 à Signy le Petit) et JB Willemet resta dans la paroisse.

 

  • Le 12 janvier 1805, le curé Willemet informe l’Evêché de l’état désastreux de l’église et du refus de son entretien par les habitants de Lalobbe.


  • Le 12 décembre 1805, Jean Baptiste Willemet adresse un nouveau courrier à l’Evêché par lequel, il accuse réception d’une correspondance du curé de Mézières qui le nomme dans la paroisse d'Evigny et Prix. Il ne comprend pas les raisons de cette mutation et pense que cette mesure ne peut pas être la conséquence de « sa conduite qui est irréprochable comme on peut le vérifier facilement », mais s’interroge sur les conséquences de ses précédents courriers dans lesquels il faisait part des refus des habitants de Lalobbe de faire réparer l'église. Il signale que depuis les réparations les plus urgentes ont été faites , qu'on lui a accordé une indemnité pour se loger et que les vases, ornements et toutes choses nécessaires au culte ont été fournies. Il demande à ce que cette décision soit révoquée et qu'il puisse rester à Lalobbe.


  • Dans un courrier du 12 janvier 1806, Jean Baptiste s'insurge contre la réponse de l'Evêque qui le croit coupable et le juge sans l'entendre. Il reconnait être passer par le village où réside son ex épouse mais uniquement pour aller voir des parents et une autre fois pour rencontrer un cousin germain qui habite dans ce village. Il se défend d'avoir rencontré cette personne et être resté chez elle. Il pense qu'on lui en veut, en particulier Mr Magin et le curé de Signy. Il demande à pouvoir dire la messe à Lalobbe sans en être le desservant jusqu'à la mort de ses parents. A la suite de quoi, il déclare envisager de se retirer du monde pour être à l'abri de la calomnie.  Si toutefois la décision de le déplacer est maintenue, il demande à ne pas être obligé de dire deux messes les dimanches et jours de fêtes.

 

  • En 1811, il est toujours à Lalobbe et adresse un nouveau courrier à l'Evêché dans lequel il fait part de ses difficultés à concilier la desserte de Grandchamp et de Lalobbe. Malgré les ordres de l'Evêché, il a cessé d'aller dire les messes à Grandchamp  pour raison de santé. (Il souffrait d'asthme et d’une hernie). Il demande à ce que l'Evêché intervienne auprès des habitants de Granchamp afin que ceux-ci lui assurent des ressources suffisantes lui permettant d'acheter un cheval pour faire ses déplacements.

  • Le dernier courrier de Jean Baptiste Willemet date du 8 février 1818. Il fait part de ses efforts pour inciter les personnes mariés civilement à faire bénir leur union et adresse une liste de personnes demandant dispense de parenté. Il demande la gratuité car ce sont des familles très pauvres et qui ne pourront se marier à l'église qu'à cette condition. Il informe l’Evêché  de l'extrême pauvreté de la paroisse de Lalobbe, maladies, pertes d'animaux nécessaires à l'agriculture, absence de récoltes suite à la grêle du 16 août 1817 et précise que de ce fait, il a abandonné tous ses honoraires et son indemnité de logement.


En 1828, bien que Jean Baptiste Willemet soit toujours le curé de Lalobbe, un prêtre est nommé Louis André Cayasse suivi d'Alexandre Laurent en 1834. Peut-être l'état de santé de Jean Baptiste ne lui permettait plus d'exercer son ministère.


Le curé Willemet décéda dans sa maison à Lalobbe, le 26 octobre 1838. Son plus jeune frère Pierre Simon et son neveu Pierre Louis Willemet déclarèrent son décès.  Sur le recensement de 1836, Jean Baptiste Willemet résidait dans la maison de son frère Pierre Simon, tonnelier où vivaient également son épouse et Adélaïde. 

 

[1] Prêtre adjoint à un curé pour desservir, sous son autorité, une paroisse, et le suppléer en cas d'absence ou de maladie

[2] Le 12 juillet 1790, à Paris, l'Assemblée constituante adopte la « Constitution civile du clergé ». Ce décret promulgué par Louis XVI le 24 août 1790 concerne l'organisation de l'Église de France, notamment en raison de la nationalisation des biens de l'Église en novembre 1789. Par un nouveau décret du 27 novembre 1790, tous les ecclésiastiques doivent prêter serment un jour de dimanche après la messe, en présence du conseil général de la commune et des fidèles. Ceux qui refuseront seront réputés avoir renoncé à leur office et il sera pourvu à leur remplacement. Le serment était le suivant : . « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse (ou du diocèse) qui m'est confiée, d'être fidèle à la Nation, à la Loi, au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi. ». La quasi-totalité des évêques, sauf quatre, et la moitié des curés, refusent alors de prêter serment.

[3] La Censure : interdiction ou suspension d'exercice et de charge ecclésiastique, prononcée par une autorité ecclésiastique contre un de ses membres coupables, en vue de l'amendement (censure médicinale). Ainsi dit-on d’un prêtre qu’il est suspens lorsqu’il a été suspendu de ses fonctions sacerdotales par une décision de censure.

[4] Les fêtes des décadis étaient des célébrations effectuées chaque décadi, dixième et dernier jour de la décade dans le calendrier républicain telles que "À l’Être suprême et à la Nature" – "Au Genre humain" – "Au Peuple français" – "Aux Martyrs de la liberté" – "À la Liberté et à l’Égalité" – "A la République" – "À la haine des Tyrans et des Traîtres" – "À la Foi conjugale" – "À l’Amour paternel" – "À la Tendresse maternelle" – "À la Piété filiale" – "À l’Enfance" – "À la Jeunesse" – "À l’Âge viril" – "À la Vieillesse" – "Au Bonheur".

[5] Bonnet de laine rouge dont se coiffaient les sans-culottes, sous la Terreur, comme signe de l'égalité entre les citoyens.

[6] Le concordat de 1801 est un traité entre la République française et le Saint-Siège réglant les relations entre la France et l‘Église catholique. Comprenant 17 articles il fut signé le 15 juillet, puis ratifié le 15 août 1801 par le pape Pie VII et le 8 septembre par Napoléon Bonaparte, premier consul,  le diocèse de Reims fut alors supprimé.

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